rier_ aurait du s'intituler "Trois femmes
pour un mari". Il s'y trouve quelques jolis developpements sur l'amour et
aussi ce portrait, qui semble celui de George Sand dessine par elle-meme:
"Elle ne se piquait, comme feu Ninon, que d'unir le plaisir a l'amitie;
elle bannissait les grands mots de son vocabulaire; mais elle etait bonne,
serviable, devouee, indulgente, courageuse dans ses opinions, genereuse
dans ses triomphes... Tout ce qu'elle deployait de finesse, de
perseverance, d'habilete, d'empire sur elle-meme pour se satisfaire sans
blesser personne et sans porter atteinte a la dignite de sa position, est
inimaginable." De vrai, pour George Sand, nombre d'hommes, en un long
cortege depuis Jules Sandeau jusqu'a Manceau, pourraient en temoigner.
En 1859, parut un veritable chef-d'oeuvre en trois volumes, l'_Homme de
neige_. C'est, dans un paysage de Dalecarlie, au manoir gothique de
Stollborg, la serie des epreuves traversees par Christiano, montreur de
marionnettes, qui recouvre son noble nom de Waldemora et epouse la
gracieuse comtesse Marguerite Elveda, apres avoir ete ouvrier mineur.
Voici la double morale, sociale et metaphysique, de l'ouvrage: "Dans toute
misere (ce doit etre George Sand qui parle), il y a moitie de la faute des
gouvernants et moitie de celle des gouvernes." C'est encore elle qui
formule, par la bouche de Christiano, sa profession de foi deiste: "Nous
vivons dans un temps ou personne ne croit a grand'chose, si ce n'est a la
necessite et au devoir de la tolerance; mais, moi, je crois vaguement a
l'ame du monde, qu'on l'appelle comme on voudra, a une grande ame, toute
d'amour et de bonte, qui recoit nos pleurs et nos aspirations. Les
philosophes d'aujourd'hui disent que c'est une platitude de s'imaginer que
l'Etre des etres daignera s'occuper de vermisseaux de notre espece. Moi,
je dis qu'il n'y a rien de petit et rien de grand devant celui qui est
tout, et que, dans un ocean d'amour, il y aura toujours de la place pour
recueillir avec bonte une pauvre petite larme humaine."
De meme aloi et de non moindre merite est le _Marquis de Villemer_, qui a
conquis au theatre une eclatante notoriete, grace a la precieuse
collaboration d'Alexandre Dumas fils. Le roman, moins alerte, mais plus
delicat, met agreablement en lumiere le caractere hautain de la marquise
et la rivalite de ses deux fils, le duc Gaetan d'Aleria et le marquis
Urbain de Villemer, qui ont distingue, celui-la pour le mauvais, celui-ci
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