aucoup change. C'est une excellente
fille, mais qui ne travaille pas et ne songe qu'a s'amuser; quand elle
joue son role, elle l'improvise; ca fait son effet, mais ce n'est pas
toujours juste." En revanche, George Sand eprouve une tendresse et une
estime profondes pour mademoiselle Baretta, qui allait emigrer de l'Odeon
a la Comedie-Francaise et jouer avec un tact si exquis le _Mariage de
Victorine_. Cette reprise eut lieu la premiere semaine de mars 1876, sans
que l'auteur put y assister. Elle etait retenue a Nohant par le mediocre
etat de sa sante, mais elle gardait cette humeur sereine qui s'epanouit
surtout dans les lettres a Flaubert." Faut pas etre malade, lui
ecrivait-elle, faut pas etre grognon, mon vieux troubadour. Il faut
tousser, moucher, guerir, dire que la France est folle, l'humanite bete,
et que nous sommes des animaux mal finis; il faut s'aimer quand meme, soi,
son espece, ses amis surtout. J'ai des heures bien tristes. Je regarde
_mes fleurs_, ces deux petites qui sourient toujours, leur mere charmante
et mon sage piocheur de fils que la fin du monde trouverait chassant,
cataloguant, faisant chaque jour sa tache, et gai quand meme comme
_Polichinelle_ aux heures rares ou il se repose. Il me disait ce matin:
"Dis a Flaubert de venir, je me mettrai en recreation tout de suite, je
lui jouerai les marionnettes, je le forcerai a rire." Et, dans une autre
lettre au meme Flaubert, George Sand finit par cette formule de
salutation: "J'embrasse les deux gros diamants qui t'ornent la trompette."
Elle le blamait un peu d'etre inapaise et inquiet, impatient de perfection
et d'immortalite. "Je n'ai pas monte aussi haut que toi, dit-elle, dans
mon ambition. Tu veux ecrire pour les temps. Moi, je crois que dans
cinquante ans je serai parfaitement oubliee et peut-etre meconnue. C'est
la loi des choses qui ne sont pas de premier ordre, et je ne me suis
jamais crue de premier ordre. Mon idee a ete plutot d'agir sur mes
contemporains, ne fut-ce que sur quelques-uns, et de leur faire partager
mon ideal de douceur et de poesie." Elle se tient tres consciencieusement
au courant du mouvement litteraire. Le mois qui precede sa mort, elle lit
des volumes de Renan, d'Alphonse Daudet; elle projette d'ecrire un
feuilleton sur les romans de M. Emile Zola, et il eut ete fort digne
d'interet d'avoir le jugement de cette idealiste impenitente sur le
propagateur du naturalisme. En voici l'esquisse dans une lettre a Flaubert,
du 25 mars
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