1876: "La chose dont je ne me dedirai pas, tout en faisant la
critique _philosophique_ du procede, c'est que _Rougon_ est un livre de
grande valeur, un livre _fort_, comme tu dis, et digne d'etre place au
premier rang."
Le 28 mai 1876, George Sand adressa au docteur Henri Favre, a Paris, la
derniere lettre qu'on ait recueillie. Elle lui promettait de suivre toutes
ses prescriptions, et ajoutait: "L'etat general n'est pas deteriore, et,
malgre l'age (soixante et douze ans bientot), je ne sens pas les atteintes
de la senilite. Les jambes sont bonnes, la vue est meilleure qu'elle n'a
ete depuis vingt ans, le sommeil est calme, les mains sont aussi sures et
aussi adroites que dans la jeunesse... Mais, une partie des fonctions de
la vie etant presque absolument supprimees, je me demande ou je vais, et
s'il ne faut pas m'attendre a un depart subit, un de ces matins." Deux
jours plus tard, George Sand s'alitait pour ne plus se relever. Elle
souffrait, depuis plusieurs annees, d'une maladie chronique de l'intestin,
dont l'evolution avait ete lente. Son temperament robuste lui permit de
resister longtemps. A soixante-huit ans, elle se plongeait tous les jours
dans l'Indre, sous sa cascade glacee. Elle avait d'ailleurs des moments de
cruelle douleur, des crampes d'estomac "a en devenir bleue" qui
l'obligeaient a s'etendre sur son lit, a interrompre tout travail, toute
lecture. Mais, ecrivait-elle a Flaubert au sortir d'une de ces crises, le
25 mars 1876, je pense toujours a ce que me disait mon vieux cure quand il
avait la goutte: _Ca passera ou je passerai_. Et la-dessus il riait,
content de son mot." En huit jours, du 30 mai au 8 juin, la paralysie de
l'intestin accomplit son oeuvre, en depit ou a la suite d'une operation
faite par le docteur Pean. George Sand mourut, entouree de tous les siens.
Elle eut les funerailles qui convenaient a sa gloire et a sa simplicite,
le concours de l'elite intellectuelle, Alexandre Dumas fils, Ernest Renan,
Gustave Flaubert, Paul Meurice, le prince Napoleon, et l'affluence de tous
les villages environnants. Victor Hugo envoya par le telegraphe un supreme
adieu qui debutait ainsi: "Je pleure une morte et je salue une immortelle",
et qui se terminait par cette affirmation spiritualiste: "Est-ce que nous
l'avons perdue? Non. Ces hautes figures disparaissent, mais ne
s'evanouissent pas. Loin de la, on pourrait presque dire qu'elles se
realisent. En devenant invisibles sous une forme, elles deviennen
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