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mon ame. Nous sommes un peu ivres." Cette ivresse sera de courte duree.
Sans doute elle charge Andre Boutet, le 15 septembre, de porter mille
francs, de son mois prochain, au gouvernement pour les blesses ou pour la
defense; mais les preoccupations de famille l'assiegent et dominent le
zele republicain. Une epidemie de petite verole charbonneuse sevit a
Nohant et la determine a se retirer, avec tous les siens, dans la
direction de Boussac; puis elle se rend a La Chatre et ne regagne son
logis que vers la mi-novembre. Sur les hommes et les choses de la Defense
nationale ses premieres impressions sont flottantes et confuses. Elle
s'evertue a justifier la sincerite des contradictions ou elle se debat."
Ne suis-je pas, ecrit-elle au prince Jerome, republicaine en principe
depuis que j'existe? La republique n'est-elle pas un ideal qu'il faut
realiser un jour ou l'autre dans le monde entier?" Mais, si l'on analyse
sa _Correspondance_ et surtout le _Journal d'un Voyageur pendant la
guerre_, on voit croitre l'aigreur des recriminations. Le 11 octobre,
quand elle apprend que deux ballons, nommes _Armand Barbes_ et _George
Sand_, sont sortis de Paris, emportant entre autres personnes M. Gambetta,
elle le definit "un remarquable orateur, homme d'action, de volonte, de
perseverance." Trois semaines apres, il a "une maniere vague et violente
de dire les choses qui ne porte pas la persuasion dans les esprits
equitables. Il est verbeux et obscur, son enthousiasme a l'expression
vulgaire, c'est la rengaine emphatique dans toute sa platitude." Cette
opinion s'accentue ulterieurement et atteint une extreme virulence de
vocabulaire. "Arriere la politique! ecrit-elle le 29 janvier 1871 a M.
Henry Harrisse, arriere cet heroisme feroce du parti de Bordeaux qui veut
nous reduire au desespoir et qui cache son incapacite sous un lyrisme
fanatique et creux, vide d'entrailles!" Elle aspire impatiemment a la paix
et maudit "une dictature d'ecolier". Sa colere l'entraine jusqu'a mander
au prince Jerome: "Vous avez raison, cet homme est fou." Elle ne retrouve
le calme de sa pensee et l'impartialite de son jugement que lorsque la
guerre etrangere et la guerre civile ont fait place a un gouvernement
regulier. Non qu'elle eut beaucoup de gout pour Thiers et qu'elle
appreciat judicieusement ses merites. Elle avait contre lui des
preventions, ainsi qu'il resulte de sa _Correspondance_ et de
conversations que relate M. Henri Amic: "La carriere politique d
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