assembla sous le titre de _Theatre de Nohant_? La
moins negligeable de ces petites oeuvres est le _Drac_, reverie en trois
actes, dediee a Alexandre Dumas fils, et dont le titre evoque un lutin des
bords de la Mediterranee. Ces dialogues, improvises pour la scene
familiale de Nohant, pouvaient etre la distraction de quelques soirees
consacrees a repeter et a jouer la piece. Les reunir en volume ne devait
rien ajouter au renom de George Sand. Les lire est un peu fastidieux. Ce
sont les amusettes enfantines d'un talent qui vieillit.
La grand'mere, en effet, apparait chez George Sand, au lendemain du deuil
qui frappe son coeur encore sensible de sexagenaire. En septembre 1865, a
Palaiseau, elle perd Alexandre Manceau, le graveur, qui fut moins un
compagnon qu'un factotum. "Me voila, ecrit-elle a Gustave Flaubert, toute
seule dans ma maisonnette... Cette solitude absolue, qui a toujours ete
pour moi vacance et recreation, est partagee maintenant par un mort qui a
fini la, comme une lampe qui s'eteint, et qui est toujours la. Je ne le
tiens pas pour malheureux, dans la region qu'il habite; mais cette image
qu'il a laissee autour de moi, qui n'est plus qu'un reflet, semble se
plaindre de ne pouvoir plus me parler." Nous tenons ainsi le dernier
chainon, nous avons egrene tout le chapelet d'amour qui d'Aurelien de Seze,
l'aristocrate raffine, a Manceau, l'artisan degrossi, occupa quarante
annees d'une existence partagee entre le travail regulier et la curiosite
vagabonde.
CHAPITRE XXVII
LES DERNIERES ANNEES.
Attelee a sa besogne quotidienne, George Sand, pour qui le theatre avait
ete un delassement, composait le roman periodique, a peu pres bi-annuel,
qu'elle s'etait engagee a fournir a Buloz pour la _Revue des Deux Mondes_.
Alors meme que le merite litteraire flechissait, elle avait conserve une
clientele indefectible, et, parmi l'abondance de sa production automnale,
de temps a autre apparaissait encore une oeuvre ou l'on retrouvait le
charme de ses debuts et l'eclat de sa maturite. Ce fut le cas de
_Malgretout_, paru en mars 1870, et qui obtint un gros succes d'allusion
malicieuse. Le recit des amours de Miss Sarah Owen pour le violoniste Abel,
virtuose de l'archet, reprenait un theme maintes fois traite par George
Sand; mais la rivale de la jeune fille etait une certaine Carmen d'Ortosa,
en qui l'on voulut voir le portrait de l'imperatrice Eugenie, au temps ou
avec sa mere, madame de Montijo, elle frequentait
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