les villes d'eaux et les
plages a la mode, en quete de quelque epouseur. L'auteur de _Malgretout_
se defendit energiquement d'avoir eu une telle pensee et de speculer sur
le scandale. Le 19 mars 1870, elle ecrivit a Gustave Flaubert: "Je sais,
mon ami, que tu lui es tres devoue. Je sais qu'_Elle_ est tres bonne pour
les malheureux qu'on lui recommande; voila tout ce que je sais de sa vie
privee. Je n'ai jamais eu ni revelation ni document sur son compte, _pas
un mot, pas un fait_, qui m'eut autorisee a la peindre. Je n'ai donc trace
qu'une figure de fantaisie, je le jure, et ceux qui pretendraient la
reconnaitre dans une satire quelconque seraient, en tous cas, de mauvais
serviteurs et de mauvais amis. Moi, je ne fais pas de satires; j'ignore
meme ce que c'est. Je ne fais pas non plus de _portraits_: ce n'est pas
mon etat. J'invente. Le public, qui ne sait pas en quoi consiste
l'invention, veut voir partout des modeles. Il se trompe et rabaisse
l'art. Voila ma reponse sincere!" Cette lettre fut communiquee par les
soins de Flaubert a madame Cornu, filleule de la reine Hortense et soeur
de lait de Napoleon III. George Sand revient sur ce sujet, eu s'adressant,
le 3 juillet, d'abord a Emile de Girardin, puis au docteur Henri Favre.
Elle atteste qu'on lui fait injure, dans certaine presse, en assimilant la
tache de l'artiste a celle du pamphletaire honteux. "Si j'avais voulu,
dit-elle, peindre une figure historique, je l'aurais nommee. Ne la nommant
pas, je n'ai pas voulu la designer; ne la connaissant pas, je n'aurais pu
la peindre. S'il y a ressemblance fortuite, je l'ignore, mais je ne le
crois pas." Quelle etait donc cette Carmen d'Ortosa, personnage episodique
de _Malgretout_, qui soulevait une ardente controverse? Voici le portrait
de l'aventuriere, trace par elle-meme: "Je suis la fille d'une tres grande
dame. Le comte d'Ortosa, epoux de ma mere, etait vieux et delabre; il lui
avait procure des fils rachitiques qui n'ont pas vecu. Ma mere, en
traversant certaines montagnes, fut enlevee par un chef de brigands fort
celebre chez nous. Il etait jeune, beau, bien ne et plein de courtoisie.
Il lui rendit sa liberte sans conditions, en lui donnant un sauf-conduit
pour qu'elle put circuler a l'avenir dans toutes les provinces ou il avait
des partisans, car c'etait une maniere d'homme politique a la facon de
chez nous. Voila ce que racontait ma mere. Je vins au monde a une date qui
correspond a cette aventure. Ma ressemblance
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