sera
le parfait exemplaire du devouement et du sacrifice, encore que bien
etranges nous apparaissent, a la scene et surtout dans le roman, ses
sentiments pour Madeleine Blanchet qui l'a recueilli et eleve. Mais il est
issu de l'imagination, semi-maternelle, semi-passionnee, de George Sand.
C'est un petit cousin rural de l'Alfred de Musset que nous avons entrevu a
Venise dans une atmosphere de sollicitude et de duperie, a travers les
dissertations pathetiques et les paysages chaudement colores des _Lettres
d'un Voyageur_.
Plus dramatique et moins exceptionnelle que _Francois le Champi_ est
l'intrigue de _Claudie_. Cette jeune fille de vingt et un ans, qui
travaille comme un moissonneur de profession, aux cotes de son grand-pere
octogenaire, a une noblesse et une verite que Leopold Robert ne sut pas
imprimer aux personnages de son tableau fameux, solennellement romantique.
Et la physionomie de l'aieul revet un caractere de majeste qui domine la
piece et emeut le spectateur. Nos sympathies conspirent avec celles de
George Sand, pour que Claudie n'expie pas trop severement l'erreur de ses
quinze ans abuses et pour qu'apres la tromperie de Denis Ronciat elle
trouve chez Sylvain Fauveau les joies du foyer domestique. C'est, dans un
milieu paysan, un sujet analogue a celui qu'Alexandre Dumas fils, avec les
_Idees de Madame Aubray_, placera en bonne bourgeoisie. L'infortune de
Claudie sera celle de _Denise_.
Pour feter la gerbaude, George Sand a mis dans la bouche du pere Remy un
couplet de superbe prose, elegante et rythmee: "Gerbe! gerbe de ble, si tu
pouvais parler! si tu pouvais dire combien il t'a fallu de gouttes de
notre sueur pour t'arroser, pour te lier l'an passe, pour separer ton
grain de ta paille avec le fleau, pour te preserver tout l'hiver, pour te
remettre en terre au printemps, pour te faire un lit au tranchant de
l'arrau, pour te recouvrir, te fumer, te herser, t'heserber, et enfin pour
te moissonner et te lier encore, et pour te rapporter ici, ou de nouvelles
peines vont recommencer pour ceux qui travaillent... Gerbe de ble! tu fais
blanchir et tomber les cheveux, tu courbes les reins, tu uses les genoux.
Le pauvre monde travaille quatre-vingts ans pour obtenir a titre de
recompense une gerbe qui lui servira peut-etre d'oreiller pour mourir et
rendre a Dieu sa pauvre ame fatiguee."
Tout ce morceau, ou s'epanouit la gloire de la terre restituant au
laboureur le fruit de ses peines opiniatres, evoque le s
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