en croupe
sur la Grise, et Petit-Pierre, l'enfant de Germain, les rejoint a un
detour du sentier. Ce sera comme leur ange gardien. Ils s'egarent a
travers bois. La nuit est glacee. Il faut allumer un feu de brindilles et
de feuilles a demi-seches. Petit-Pierre murmure sa priere et s'endort sur
les genoux de la jeune fille, apres avoir balbutie ces touchantes et
simples paroles: "Mon petit pere, si tu veux me donner une autre mere, je
veux que ce soit la petite Marie." L'appel candide de l'enfant sera exauce,
et sur la naivete charmante du recit s'epand une atmosphere de serenite.
Le genie de George Sand s'est epure, rajeuni, apaise, au sein de la nature,
radieuse et consolatrice.
CHAPITRE XXV
SOUS LE SECOND EMPIRE
La politique n'est qu'une aventure, les romans champetres ne sont qu'une
etape, peut-etre une oasis, dans la destinee laborieuse et feconde de
George Sand. Des le lendemain des journees de Juin, elle avait repris sa
plume, et, lorsque le coup d'Etat du 2 Decembre etrangle la Republique et
envoie les meilleurs citoyens en exil ou a Lambessa, elle continue
paisiblement a produire, vaille que vaille, ses deux volumes par annee.
Elle appartient a son metier et accomplit ainsi une fonction naturelle.
C'est la poule, exacte et diligente, qui pond son oeuf au fond de la
basse-cour, sans s'inquieter si l'on se querelle a la maison. Certains
amis de George Sand s'emeuvent de cette quietude, devant la detresse du
parti et des hommes qui lui etaient chers. Elle veut s'expliquer et se
disculper dans une lettre du 15 decembre 1853, a Joseph Mazzini: "Vous
vous etonnez que je puisse faire de la litterature; moi, je remercie Dieu
de m'en conserver la faculte, parce qu'une conscience honnete, et pure
comme la mienne, trouve encore, en dehors de toute discussion, une oeuvre
de moralisation a poursuivre. Que ferais-je donc si j'abandonnais mon
humble tache? Des conspirations? Ce n'est pas ma vocation, je n'y
entendrais rien. Des pamphlets? Je n'ai ni fiel ni esprit pour cela. Des
theories? Nous en avons trop fait et nous sommes tombes dans la dispute,
qui est le tombeau de toute verite, de toute puissance. Je suis, j'ai
toujours ete artiste avant tout; je sais que les hommes purement
politiques, ont un grand mepris pour l'artiste, parce qu'ils le jugent sur
quelques types de saltimbanques qui deshonorent l'art. Mais vous, mon ami,
vous savez bien qu'un veritable artiste est aussi utile que le _pretre_ et
le _guerr
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