te et que les siens aient le superflu, George
Sand se prive souvent du necessaire. Le 8 janvier 1858, elle avoue a
Charles Edmond qu'elle n'a pas pu s'acheter un manteau et une robe
d'hiver. Depuis vingt-cinq ans, elle gagne au jour le jour l'argent vite
depense. Les circonstances ou sa nature lui ont interdit l'epargne. Et
elle entasse les volumes, sacrifiant peut-etre la qualite a la
quantite.--En 1855, c'est _Mont-Reveche_ ou se manifeste la these
proclamee dans la preface: "Le roman n'a rien a prouver." Il ne s'agit que
d'interesser. Ici, Duterte, grand proprietaire et depute, marie en
secondes noces a une jeune et jolie femme, Olympe, fait la cruelle
experience des miseres qu'entraine la disproportion d'age. Olympe succombe
a une maladie de langueur. Les caracteres dissemblables des trois filles
de Dutertre, Nathalie, Eveline et Caroline, sont agreablement dessines.
_Mont-Reveche_ est d'une litterature fluide et facile.--La meme annee,
George Sand termine le _Diable aux Champs_, commence avant le Deux
Decembre et dedie a son intime commensal, le graveur Manceau. Le livre
parut, expurge de toutes les theories politiques et sociales que l'Empire
eut pu trouver subversives, et ce sont, sous forme de dialogue, des
dissertations longuettes sur la nature du diable, sur les chatiments apres
la mort, etranges propos tenus par des personnages au nombre desquels
figurent des heros de George Sand, tels que Jacques, le mari qui se
suicide pour liberer sa femme, et Ralph, d'_Indiana_.
La mort d'Alfred de Musset, ravivant des souvenirs vieux d'un quart de
siecle, provoquait en 1858 la deplorable polemique, reciproquement
diffamatoire, ou George Sand publiait _Elle et Lui_, et Paul de Musset
_Lui et Elle_. Si ce fut une faute grave, une maniere de sacrilege
sentimental sous forme posthume, George Sand en a ete trop rudement
chatiee. Elle avait explique une crise, commente une rupture. Paul de
Musset lanca contre une femme des imputations ignominieuses. Elle
produisit, peu apres, une justification emue et eloquente, dans la preface
de _Jean de la Roche_, ou, a propos de _Narcisse_, elle affirme le droit
pour l'artiste de puiser dans sa vie et d'analyser les sentiments de son
coeur. Venant alors au cas de Paul de Musset, elle le resout par
preterition: "Sans nous occuper, dit-elle, d'une tentative deshonorante
pour ceux qui l'ont faite, pour ceux qui l'ont conseillee en secret et
pour ceux qui l'ont approuvee publiquement, sans vou
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