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chiens dans les metairies. La reine verte des marecages coassait d'une
facon monotone, et ce qu'il y avait de plus etrange dans ces voix,
insouciantes des douleurs et des agitations humaines, c'etait le chant des
grillons de cheminee, ces hotes incombustibles du foyer domestique, qui,
rejouis par la chaleur des pierres, couraient sur les ruines de leur asile
en s'appelant et en se repondant avec force dans la nuit silencieuse et
sonore."
Voila les premices du genre litteraire ou George Sand excellera, et voila
aussi l'apotheose de la beaute en son epanouissement juvenile. Jeanne la
paysanne--c'est encore la these egalitaire--a un charme et une grace qui
ne redoutent aucune comparaison avec les femmes les plus elegantes de la
bourgeoisie ou de la noblesse. Le cure lui-meme la regarde avec une
discrete complaisance. La remarque en est faite, sans irreverence ni
malice: "Comme il n'avait pas plus de trente ans, qu'il avait des yeux, du
gout et de la sensibilite, il etait bien un peu agite aupres d'elle". Non
moins emu, et plus libre en ses desseins, sera l'Anglais millionnaire,
Arthur Harley, qui veut epouser Jeanne, domestique chez madame de Boussac.
Et ce roman, qui debute par une mort, se termine par une agonie mystique.
La pastoure expire, ayant a son chevet sir Arthur, et les dernieres
paroles qui viennent a ses levres sont les vers d'une chanson de terroir:
En traversant les nuages,
J'entends chanter ma mort.
Sur le bord du rivage
On me regrette encore.
Dans l'avant-propos de _Francois le Champi_, George Sand imagine un
dialogue, a nuit close, avec un ami qui censure la forme mixte dont elle
s'est servie pour instituer un genre ou la litterature se mele a la
paysannerie. L'homme des champs, a ce prix, ne parle ni son veritable
langage--il serait besoin d'une traduction pour l'entendre--ni la langue
de la societe polie--ce serait aussi invraisemblable que l'_Astree_.
George Sand s'est arretee a un procede intermediaire, conventionnel et
aimable, qui est une maniere de transposition ou d'adaptation artistique.
Et l'ami anonyme repond: "Tu peins une fille des champs, tu l'appelles
_Jeanne_, et tu mets dans sa bouche des paroles qu'a la rigueur elle peut
dire. Mais toi, romancier, qui veux faire partager a tes lecteurs
l'attrait que tu eprouves a peindre ce type, tu la compares a une
druidesse, a Jeanne d'Arc, que sais-je? Ton sentiment et ton langage font
avec les siens un effet disparate comme la renc
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