s de la fiction."
Dans la _Petite Fadette_, George Sand remplit son dessein. C'est une naive
et touchante histoire que celle des deux bessons, Landry et Sylvinet. Et
Fadette, "le pauvre grelet," est une etrange creature, qui se rend a la
danse, plaisamment habillee: "Elle avait une coiffe toute jaunie par le
renferme, qui, au lieu d'etre petite et bien retroussee par le derriere,
selon la nouvelle mode du pays, montrait de chaque cote de sa tete deux
grands oreillons bien larges et bien plats; et, sur le derriere de sa tete,
la cayenne retombait jusque sur son cou, ce qui lui donnait l'air de sa
grand'mere et lui faisait une tete large comme un boisseau sur un petit
cou mince comme un baton. Son cotillon de droguet etait trop court de deux
mains; et, comme elle avait grandi beaucoup dans l'annee, ses bras maigres,
tout mordus par le soleil, sortaient de ses manches comme deux pattes
d'aranelle. Elle avait cependant un tablier d'incarnat dont elle etait
bien fiere, mais qui lui venait de sa mere, et dont elle n'avait point
songe a retirer la bavousette, que, depuis plus de dix ans, les jeunesses
ne portent plus."
Landry precisement, le bel adolescent, fait grief a Fanchon Fadet de ne
point etre coquette comme le sont les autres danseuses. "C'est, dit-il,
que tu n'as rien d'une fille et tout d'un garcon, dans ton air et dans tes
manieres; c'est que tu ne prends pas soin de ta personne. Pour commencer,
tu n'as point l'air propre et soigneux, et tu te fais paraitre laide par
ton habillement et ton langage." En effet, elle galope sur une jument sans
bride ni selle, elle grimpe aux arbres comme un _chat-ecurieux_, et les
enfants du pays l'appellent le _grelet_ ou meme le _malot_.
De tous ces reproches Fadette est fort marrie, car elle a du penchant pour
Landry, le joli gars. Mais a quoi bon y songer et se troubler la cervelle?
"Je sais, dit-elle, ce qu'il est, et je sais ce que je suis. Il est beau,
riche et considere; je suis laide, pauvre et meprisee." N'importe, elle
est touchee, et l'amour exerce sur elle son influence coutumiere. Elle en
sera embellie, metamorphosee. Et voyez comme elle apparait un dimanche a
la messe: "C'etait bien toujours son pauvre dressage, son jupon de droguet,
son devanteau rouge et sa coiffe de linge sans dentelle; mais elle avait
reblanchi, recoupe et recousu tout cela dans le courant de la semaine. Sa
robe etait plus longue et tombait plus convenablement sur ses bas, qui
etaient bien blancs
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