et maints paysages qui evoquent devant nos yeux le charme
et la diversite de la nature. Quel poete se flatterait d'egaler cette
prose harmonieuse et rythmee? Voici, par exemple, un passage qui traduit
beaucoup mieux que le _Chemineau_, de M. Jean Richepin, la vision d'une
route se deroulant a travers champs, parmi les sapins et les bruyeres:
"Qu'y-t-il de plus beau qu'un chemin? pensait Consuelo; c'est le symbole
et l'image d'une vie active et variee. Que d'idees riantes s'attachent
pour moi aux capricieux detours de celui-ci! Je ne me souviens pas des
lieux qu'il traverse, et que pourtant j'ai traverses jadis. Mais qu'ils
doivent etre beaux, au prix de cette noire forteresse qui dort la
eternellement sur ses immobiles rochers! Comme ces graviers aux pales
nuances d'or mat qui le rayent mollement, et ces genets d'or brulant qui
le coupent de leurs ombres, sont plus doux a la vue que les allees droites
et les raides charmilles de ce parc orgueilleux et froid! Rien qu'a
regarder les grandes lignes seches d'un jardin, la lassitude me prend:
pourquoi mes pieds chercheraient-ils a atteindre ce que mes yeux et ma
pensee embrassent tout d'abord? Au lieu que le libre chemin qui s'enfuit
et se cache a demi dans les bois m'invite et m'appelle a suivre ses
detours et a penetrer ses mysteres. Et puis ce chemin, c'est le passage de
l'humanite, c'est la route de l'univers. Il n'appartient pas a un maitre
qui puisse le fermer et l'ouvrir, a son gre. Ce n'est pas seulement le
puissant et le riche qui ont le droit de fouler ses marges fleuries et de
respirer ses sauvages parfums. Tout oiseau peut suspendre son nid a ses
branches, tout vagabond peut reposer sa tete sur ses pierres. Devant lui,
un mur ou une palissade ne ferme point l'horizon. Le ciel ne finit pas
devant lui; et, tant que la vue peut s'etendre, le chemin est une terre de
liberte. A droite, a gauche, les champs, les bois appartiennent a des
maitres; le chemin appartient a celui qui ne possede pas autre chose;
aussi comme il l'aime! Le plus grossier mendiant a pour lui un amour
invincible. Qu'on lui batisse des hopitaux aussi riches que des palais, ce
seront toujours des prisons; sa poesie, son reve, sa passion, ce sera
toujours le grand chemin."
Apres un sejour a la cour de Marie-Therese, ou l'eleve preferee du Porpora,
la compagne d'Haydn, redevient cantatrice, voici le retour au chateau des
Geants. Elle y arrive pour epouser Albert et pour assister a sa mort. Mais
cette
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