mort--comme nous le verrons dans les deux volumes suivants de la
_Comtesse de Rudolstadt_--n'etait qu'une crise de catalepsie. Consuelo,
veuve aussitot que mariee, et dedaigneuse de la richesse, a quitte Vienne
pour se refugier a Berlin. Elle y courra d'autres dangers. Frederic la
poursuivra de ses assiduites, puis de sa rancune. Alors se succedent la
silhouette de Voltaire et celle de la soeur du roi, Amelie, abbesse de
Quedlimbourg. Elle a une perilleuse aventure d'amour. Consuelo, qui s'y
trouve melee par devouement, est arretee, incarceree a Spandau, sous la
surveillance des epoux Schwartz. Or c'est a leur fils, le mystique et
sentimental Gottlieb, qu'elle devra la liberte. Ca et la, apparaissent de
delicieux episodes, ainsi celui du rouge-gorge et les adieux de Consuelo a
sa prison.
Elle est libre, sauvee, entrainee dans une voiture par un individu masque.
Quel est-il? Elle ressent un trouble profond et ne songe pas a se derober.
Tandis que les chevaux galopent, elle s'endort aupres de ce singulier
compagnon, qui a serre les deux bras autour de sa taille. Au reveil, elle
essaie de se degager, mais sans trop insister. Un vague attrait la domine.
"L'inconnu rapprocha Consuelo de sa poitrine, dont la chaleur embrasa
magnetiquement la sienne, et lui ota la force et le desir de s'eloigner.
Cependant il n'y avait rien de violent ni de brutal dans l'etreinte douce
et brulante de cet homme. La chastete ne se sentait ni effrayee ni
souillee par ses caresses; et Consuelo, comme si un charme eut ete jete
sur elle, oubliant la retenue, on pourrait meme dire la froideur virginale
dont elle n'avait jamais ete tentee de se departir, meme dans les bras du
fougueux Anzoleto, rendit a l'inconnu le baiser enthousiaste et penetrant
qu'il cherchait sur ses levres. Comme tout etait bizarre et insolite chez
cet etre mysterieux, le transport involontaire de Consuelo ne parut ni le
surprendre, ni l'enhardir, ni l'enivrer. Il la pressa encore lentement
contre son coeur; et quoique ce fut avec une force extraordinaire, elle ne
ressentit pas la douleur qu'une violente pression cause toujours a un etre
delicat. Elle n'eprouva pas non plus l'effroi et la honte qu'un si notable
oubli de sa pudeur accoutumee eut du lui apporter apres un instant de
reflexion. Aucune pensee ne vint troubler la securite ineffable de cet
instant d'amour senti et partage comme par miracle. C'etait le premier de
sa vie. Elle en avait l'instinct ou plutot la revelation;
|