insi le renouveau des souvenirs
d'antan, George Sand ne pressent pas qu'elle est sur le chemin de
l'election presidentielle, du coup d'Etat et de l'Empire.
Des 1844, elle estimait, comme elle le proclamera en 1848 dans sa lettre
_Aux Riches_, que "le communisme, c'est le vrai christianisme," et elle
ajoutera: "Helas! non, le peuple n'est pas communiste, et cependant la
France est appelee a l'etre avant un siecle." Sous le ministere Guizot,
elle recueille des signatures en faveur de la _Petition pour
l'organisation du travail_, qui contient en germe la doctrine socialiste
de Louis Blanc et les ateliers nationaux. Elle va de l'avant, mais sans
discerner tres nettement ceux qu'elle suit, non plus que ceux qu'elle
entraine. Le 18 fevrier 1848, elle ne croit aucunement a la revolution qui
eclatera six jours plus tard. "Je n'y vois pas, ecrit-elle a son fils, de
pretexte raisonnable dans l'affaire des banquets. C'est une intrigue entre
ministres qui tombent et ministres qui veulent monter. Si l'on fait du
bruit autour de leur table, il n'en resultera que des horions, des
assassinats commis par les mouchards sur des badauds inoffensifs, et je ne
crois pas que le peuple prenne parti pour la querelle de M. Thiers contre
M. Guizot. Thiers vaut mieux, a coup sur; mais il ne donnera pas plus de
pain aux pauvres que les autres." Elle declare que se faire assommer pour
Odilon Barrot et compagnie, _ce serait trop bete_, et elle exhorte Maurice
a observer les evenements de loin, sans se fourrer dans une bagarre que du
reste elle ne prevoit pas. Et voici sa conclusion: "Nous sommes gouvernes
par de la canaille."
Le 24 fevrier, le peuple de Paris est debout. George Sand accourt de
Nohant, a la premiere nouvelle de la Revolution. Elle vient mettre sa
plume a la disposition du Gouvernement provisoire: on l'utilisera. Le 6
mars, elle ecrit a son ami Girerd, commissaire de la Republique a Nevers:
"Tout va bien. Les chagrins personnels disparaissent quand la vie publique
nous appelle et nous absorbe. La Republique est la meilleure des familles,
le peuple est le meilleur des amis." Elle lui envoie--car elle est
l'auteur de sa nomination--les instructions suivantes, au nom du citoyen
Ledru-Rollin, ministre de l'Interieur: "Agis avec vigueur, mon cher frere.
Dans une situation comme celle ou nous sommes, il ne faut pas seulement du
devouement et de la loyaute, il faut du fanatisme au besoin. Il faut
s'elever au-dessus de soi-meme, abjurer tout
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