e faiblesse, briser ses
propres affections si elles contrarient la marche d'un pouvoir elu par le
peuple et reellement, foncierement revolutionnaire. "Elle lui en offre une
preuve en sacrifiant un ami que, d'ailleurs, elle a cesse d'aimer--ce qui
amoindrit son merite d'heroine a la Corneille: "Ne t'apitoie pas sur le
sort de Michel (de Bourges); Michel est riche, il est ce qu'il a souhaite,
ce qu'il a choisi d'etre. Il nous a trahis, abandonnes, dans les mauvais
jours. A present, son orgueil, son esprit de domination se reveillent. Il
faudra qu'il donne a la Republique des gages certains de son devouement
s'il veut qu'elle lui donne sa confiance." Elle n'admet aucune transaction,
aucun accommodement; on doit balayer tout ce qui a l'esprit bourgeois.
C'est avec encore plus d'allegresse qu'elle mande, le 9 mars, a Charles
Poncy, l'ouvrier-poete de Toulon: "Vive la Republique! Quel reve, quel
enthousiasme, et, en meme temps, quelle tenue, quel ordre a Paris! J'ai vu
s'ouvrir les dernieres barricades sous mes pieds. J'ai vu le peuple grand,
sublime, naif, genereux, le peuple francais, reuni au coeur de la France,
au coeur du monde; le plus admirable peuple de l'univers! J'ai passe bien
des nuits sans dormir, bien des jours sans m'asseoir. On est fou, on est
ivre, on est heureux de s'etre endormi dans la fange et de se reveiller
dans les cieux... J'ai le coeur plein et la tete en feu. Tous mes maux
physiques, toutes mes douleurs personnelles sont oublies. Je vis, je suis
forte, je suis active, je n'ai plus que vingt ans." Cet hosannah, nous le
retrouvons dans tous les ecrits de George Sand, en ces deux mois de mars
et d'avril, notamment dans les _Lettres de Blaise Bonnin_, qui figurent au
volume intitule _Souvenirs de 1848_ et qui sont d'excellente propagande
democratique a l'usage des paysans. De meme, sous le titre generique:
_Questions politiques et sociales_, voici les _Lettres au peuple_, celle
par exemple du 7 mars, ou George Sand deploie une eloquence qu'elle n'a
jamais surpassee: "Venez, tous, morts illustres, maitres et martyrs
veneres, venez voir ce qui se passe maintenant sur la terre; viens le
premier, o Christ, roi des victimes, et, a ta suite, le long et sanglant
cortege de ceux qui ont vecu d'un souffle de ton esprit, et qui ont peri
dans les supplices pour avoir aime ton peuple! Venez, venez en foule, et
que votre esprit soit parmi nous!" Puis, le 19 mars, s'adressant encore au
peuple dans un elan mystique, elle
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