s'ecrie: "La Republique est un bapteme,
et, pour le recevoir dignement, il faut etre en etat de grace. L'etat de
grace, c'est un etat de l'ame ou, a force de hair le mal, on n'y croit
pas."
Ces envolees dans l'empyree ne lui font point negliger les realites de la
politique courante et des interets electoraux. Elle recommande a Maurice,
qui est maire de Nohant, de travailler a precher, a republicaniser les
bons paroissiens, et elle n'oublie pas l'irresistible argument: "Nous ne
manquons pas de vin cette annee, tu peux faire rafraichir ta garde
nationale armee, moderement, _dans la cuisine_, et, la, pendant une heure,
tu peux causer avec eux et les eclairer beaucoup." Elle lui adresse, pour
etre lues aux populations, les circulaires officielles qu'elle-meme a
redigees comme secretaire benevole de Ledru-Rollin, et elle hasarde un
calembour--ce qui est assez rare sous sa plume--a propos du _maire_ qui
recevra les instructions de sa _mere_. De vrai, elle est occupee, absorbee
comme un homme d'Etat. Le romancier a cede la place au publiciste
politique, qui alimente de sa prose le _Bulletin de la Republique_. Elle
en est fiere, mais cette collaboration "ne doit pas etre criee sur les
toits." Elle ne signe pas.
George Sand serait-elle antisemite? En 1861, dans son roman de _Valvedre_,
elle creera l'etrange figure de l'Israelite Moserwald, et l'un des
personnages formulera cette declaration de principes: "Le juif a
instinctivement besoin de manger un morceau de notre coeur, lui qui a tant
de motifs pour nous hair, et qui n'a pas acquis avec le bapteme la sublime
notion du pardon." Deja, le 24 mars 1848, elle ecrivait a son fils:
"Rothschild fait aujourd'hui de beaux sentiments sur la Republique. Il est
garde a vue par le Gouvernement provisoire, qui ne veut pas qu'il se sauve
avec son argent et qui lui mettrait de la mobile a ses trousses. Encore
_motus_ la-dessus." Elle professe, en effet, la repugnance des
republicains si probes et si desinteresses d'alors, a l'endroit des hommes
d'affaires, des speculateurs et des agioteurs. Dans une admirable lettre a
Lamartine, au commencement d'avril, elle le plaint de s'asseoir et de
manger a la table des centeniers. Elle en profite pour exposer ce qu'on
pourrait appeler la conception idealiste de la democratie: "Eh quoi!
dit-elle, en peu d'annees, vous vous etes eleve dans les plus hautes
regions de la pensee humaine, et, vous faisant jour au sein des tenebres
du catholicisme, vous a
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