et a improviser. Quand il s'arreta, il se trouva en face de
George Sand qui le felicitait.
Frederic Chopin n'avait pas la beaute radieuse, la grace florentine de
Franz Liszt; mais celui-ci etait le talent, celui-la le genie. George Sand
fut vite eprise, encore que les choses se fussent plus simplement passees
que ne l'indiquent les biographies romanesques. Elle avait un vif desir de
connaitre Chopin, lequel n'eprouvait aucune sympathie pour les bas-bleus.
Liszt et madame d'Agoult les rapprocherent et ne tarderent pas a le
regretter. Le 28 mars 1837, de Nohant George Sand ecrit a Franz: "Dites a
Chopin que je le prie de vous accompagner; que Marie ne peut pas vivre
sans lui, et que, moi, je l'adore." Et, le 5 avril, a madame d'Agoult
elle-meme: "Dites a Chopin que je l'idolatre." La belle Princesse fut
aussitot jalouse, mordante et acerbe. Elle envoya ce malicieux bulletin de
sante: "Chopin tousse avec une grace infinie. C'est l'homme irresolu; il
n'y a chez lui que la toux de permanente." Est-ce pour detourner ses
soupcons que George Sand replique, le 10 avril 1837: "Je veux les
_Fellows_, je les veux le plus tot et le plus longtemps possible. Je les
veux _a mort_. Je veux aussi le Chopin et tous les Mickiewicz et Grzymala
du monde. Je veux meme Sue, si vous le voulez... Tout, excepte un amant."
Or, cet amant, elle allait l'avoir en Chopin, pour pres de dix annees.
Madame d'Agoult ne le pardonna, ni a elle, ni a lui. Les relations se
refroidirent, les lettres s'espacerent. Et Lamennais, qui jugeait toutes
ces incartades de femmes avec sa severite ascetique, resumera ainsi la
brouille, dans une lettre adressee de Sainte-Pelagie, le 20 mai 1841, a M.
de Vitrolles: "Elles s'aiment comme ces deux diables de Le Sage, l'un
desquels disait: "On nous reconcilia, nous nous embrassames; depuis ce
temps-la, nous sommes ennemis mortels."
Inquiete de la sante de son fils qu'elle avait du retirer du college Henri
IV et soigner a Nohant de meme que Solange, tous deux gravement atteints
de la variole, George Sand resolut de passer dans le midi l'hiver de
1838-39. Tandis que Liszt et sa compagne s'etaient rendus en Italie afin
de derober a la societe parisienne quelque evenement extra-conjugal,
l'auteur de _Lelia_ partit pour les iles Baleares. Outre ses enfants, elle
emmenait Chopin. Entre temps, elle avait fourni a Balzac les materiaux
d'un roman qu'elle lui conseillait d'intituler les _Galeriens_, et ou
Liszt et madame d'Agoult de
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