vaient occuper le premier plan. Il modifia
legerement le sujet, elargit le cadre, et dans _Beatrix_ ajouta le
portrait de George Sand, d'ailleurs idealisee en Camille Maupin.
L'_Histoire de ma Vie_, d'ou les preoccupations apologetiques ne sont
jamais absentes, laisse croire que Chopin s'imposa comme compagnon de
voyage et que George Sand l'emmena par pure affection maternelle. Elle lui
portait alors, a dire vrai, des sentiments plus tendres, qu'elle derobait
officiellement en l'appelant _son cher enfant, son malade ordinaire_. Et
nous ne devons pas etre dupes, lorsqu'elle pretend, quinze ans apres, que
ses amis et ceux de Chopin lui forcerent la main. "J'eus tort, dit-elle,
par le fait, de ceder a leur esperance et a ma propre sollicitude. C'etait
bien assez de m'en aller seule a l'etranger avec deux enfants, l'un deja
malade, l'autre exuberant de sante et de turbulence, sans prendre encore
un tourment de coeur et une responsabilite de medecin." M. Rocheblave a
dit excellemment, pour qualifier cette fugue et ce coup de tete
sentimental: "Le voyage de Majorque fut, comme folie, le pendant du voyage
de Venise." Mais, lorsque George Sand etait enamouree, elle ne raisonnait
point et cedait a des elans impulsifs, qu'elle desavouait plus tard.
Chopin rejoignit a Perpignan ses compagnons de route, qui etaient venus a
petites journees par la vallee du Rhone. La traversee fut favorable. Le 14
novembre 1838, George Sand ecrivait, de Palma de Mallorca, a madame
Marliani: "J'ai une jolie maison meublee, avec jardin et site magnifique,
pour cinquante francs _par mois_. De plus, j'ai, a deux lieues de la, une
cellule, c'est-a-dire trois pieces et un jardin plein d'oranges et de
citrons, pour trente-cinq francs _par an_, dans la grande chartreuse de
Valdemosa." Les desillusions furent presque immediates. Elles apparaissent
dans la _Correspondance_, elles pullulent dans le volume intitule _Un
Hiver a Majorque_. "Notre voyage, avoue-t-elle, est un _fiasco_
epouvantable." A Palma, il n'y avait pas d'hotel. Ils durent se contenter
de "deux petites chambres garnies, ou plutot degarnies, dans une espece de
mauvais lieu, ou les etrangers sont bien heureux d'avoir chacun un lit de
sangle avec un matelas douillet et rebondi comme une ardoise, une chaise
de paille, et, en fait d'aliments, du poivre et de l'ail a discretion." On
trouve de la vermine dans les paillasses, des scorpions dans la soupe.
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