redacteur de la _Gazette
des Tribunaux_ note dans son compte-rendu: "Ce passage, ecrit a vingt ans
avec une magie de style, un coloris brillant, digne des plus belles pages
que l'auteur de _Jacques_ a ecrites depuis, a produit une impression
impossible a decrire."
Michel (de Bourges) poursuit victorieusement. Il rappelle les procedes
grossiers de M. Dudevant traitant Aurore de folle, radoteuse, bete,
stupide. Cet homme n'avait pas le talent de la divination. Il n'etait que
cupide, "faisant a sa femme une modique pension, tandis qu'il jouissait,
dans l'opulence et dans une vie licencieuse, sous le toit qui appartenait
a sa femme, d'une fortune qui etait a elle." N'acceptait-il pas sa
situation maritale, au point de mander a madame Dudevant, en decembre
1831: "J'irai a Paris; je ne descendrai pas chez toi, parce que je ne veux
pas te gener, pas plus que je ne veux que tu me genes?" Et l'avocat deduit
avec force cette conclusion hardie: "Le pardon que vous offrez a votre
femme est un outrage; c'est vous qui l'avez offensee." Il insiste sur la
requete du 14 avril, _veritable monument de demence judiciaire_, ou sont
articules "des faits atroces, des faits qu'aucune bouche humaine n'a ose
repeter dans leur hideuse nudite, dans leur revoltante difformite." Cette
epouse qu'on a accusee d'etre une Messaline, capable de depraver son fils,
on lui offre le retour au foyer domestique. On parle de pardonner, alors
qu'on a besoin de pardon. "N'est-ce pas vous, dit Michel (de Bourges) dans
un bel elan oratoire, vous qui l'avez forcee a quitter le domicile
conjugal en l'abreuvant de degouts? Vous n'etes pas seulement l'auteur des
causes de cette absence, vous en etes l'instigateur et le complice.
N'avez-vous pas livre votre femme, jeune et sans experience, a elle-meme?
Ne l'avez-vous pas abandonnee? Vous ne pouvez plus dire aux magistrats:
"Remettez dans mes mains les renes du coursier," quand vous-meme les avez
lachees. Pour gouverner une femme, il faut une certaine puissance
d'intelligence; et qu'etes-vous, que pretendez-vous etre, a cote de celle
que vous avez meconnue? Quand une femme est pres de succomber, il faut
etre capable de la relever; quand elle est faible, il faut la soutenir,
etre capable de lui donner le bon exemple; et quel exemple pouvez-vous lui
donner? Pouvez-vous reclamer une femme que vous avez delaissee pendant
huit ans? Etait-elle coupable, celle qui epanchait sa belle ame tout
entiere dans cette lettre que vous-m
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