er de
1837-38, elle atteste que Mallefille est une "nature sublime", qu'elle
"l'aime de toute son ame" et donnerait pour lui "la moitie de son sang."
Or, il advint que le sentimental et envahissant precepteur s'avisa de
vouloir supplanter ou doubler Liszt, et adressa a la comtesse d'Agoult une
lettre enflammee et irrespectueuse. George Sand, que cette liaison
domestique commencait a lasser, saisit l'occasion propice pour le rendre a
ses stricts devoirs de pedagogue. Il resista, fit des scenes, faillit se
battre en duel avec un ami de la maison. Afin de calmer cet effervescent,
elle le depecha aupres de Pierre Leroux, en le munissant d'une petite
image coloriee qui representait saint Pierre au moment ou le Christ le
preserve d'etre englouti par les flots. Elle avait joint cette dedicace:
"Soyez le sauveur de celui qui se noie." Et elle fournissait des
explications complementaires, dans une lettre en date du 26 septembre
1838: "Quand viendra entre vous la question des femmes, dites-lui bien
qu'elles n'appartiennent pas a l'homme par droit de force brutale, et
qu'on ne raccommode rien en se coupant la gorge." Pierre Leroux administra
la mercuriale demandee, debarrassa George Sand, _sauva_ Mallefille et fut
son remplacant.
A Nohant, l'existence etait celle de la liberte absolue, en meme temps que
du travail opiniatre. De meme a Paris, lorsque George Sand y faisait de
rapides sejours. Elle se sentit delivree de ses dernieres entraves morales,
lorsqu'elle perdit sa mere, a la fin d'aout 1837. Tout aussitot, elle
ecrit de Fontainebleau a son ami Gustave Papet: "Elle a eu la mort la plus
douce et la plus calme; sans aucune agonie, sans aucun sentiment de sa fin,
et croyant s'endormir pour se reveiller un instant apres. Tu sais qu'elle
etait proprette et coquette. Sa derniere parole a ete: "Arrangez-moi mes
cheveux." Pauvre petite femme! fine, intelligente, artiste, genereuse;
colere dans les petites choses, et bonne dans les grandes. Elle m'avait
fait bien souffrir, et mes plus grands maux me sont venus d'elle. Mais
elle les avait bien repares dans ces derniers temps, et j'ai eu la
satisfaction de voir qu'elle comprenait enfin mon caractere et qu'elle me
rendait une complete justice. J'ai la conscience d'avoir fait pour elle
tout ce que je devais. Je puis bien dire que je n'ai plus de famille. Le
ciel m'en a dedommagee en me donnant des amis tels que personne peut-etre
n'a eu le bonheur d'en avoir."
Dans le nombre, Pierre Le
|