a present, vous etes pour moi le veritable type de la
princesse fantastique, artiste, aimante et noble de manieres, de langage
et d'ajustements, comme les filles des rois aux temps poetiques." Et la
lettre se termine par ces simples mots, exquisement delicats: "Adieu,
chere Marie. _Ave, Maria, gratia plena!_"
Si plus tard une brouille ou un refroidissement se produisit entre ces
deux femmes de lettres, ce ne fut point a l'occasion de Liszt. Il ne plut
jamais, amoureusement s'entend, a George Sand qui ne lui plut pas
davantage. Leurs atomes crochus refuserent de se joindre. Et pourtant
Liszt etait un seducteur irresistible, qui trainait les coeurs sur son
passage et cueillait ses fantaisies, comme des fleurs dans un parterre.
Don Juan mystique, tour a tour voue a la passion et a la religiosite, il
n'enrichit pas la galerie de George Sand. Peut-etre eut-elle souhaite
d'esquisser vaguement avec lui un marivaudage, pour reveiller par la
jalousie la tendresse languissante de Musset. Mais "aimer Liszt, dit-elle
familierement, m'eut ete aussi impossible que d'aimer les epinards." Il y
avait de rares plats qui n'etaient pas a son gout. Au demeurant, elle
avait bon appetit.
Franz Liszt offre, au regard des aspirations intellectuelles, le meme
contraste que dans l'ordre moral et religieux. Son esprit fut aussi
contradictoire que son coeur. Ne en 1811 d'une famille tres modeste de
Hongrie--son pere etait attache aux domaines du prince Esterhazy--il eut
la fortune et les succes precoces d'un petit prodige, doue d'une
merveilleuse virtuosite. La societe la plus aristocratique de toute
l'Europe lui octroya ses flatteries et ses caresses. Il se glissa pourtant
quelques deboires a travers tant de cajoleries feminines. Franz Liszt ne
put epouser la jeune fille qu'il aimait, une de ses eleves, mademoiselle
Caroline de Saint-Criq. Cette deception, le tour naturel de son esprit
idealiste et humanitaire, le milieu ambiant, sature d'effluves socialistes,
l'amenerent a professer des doctrines democratiques qui s'harmonisaient
avec les revendications de George Sand. Pour completer une instruction
demeuree fort incomplete en dehors de la musique, le pianiste hongrois
s'adressait a tout venant, il cherchait, de ci, de la, cette lumiere de
l'ame que, plus tard, il pensera trouver dans le catholicisme. A l'avocat
Cremieux, futur garde des sceaux et des lors intime ami, voire meme
secretaire de la tragedienne Rachel, il demandait un jour, a
brul
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