'il reste catholique ou qu'il devienne incredule. Il
faut que sa religion soit la seule vraie, ou que toutes les religions
soient fausses."
Sur ces ruines et avec les materiaux qui jonchent le sol, est-il possible
d'operer une reconstruction, d'edifier la Jerusalem nouvelle? Dans
_Spiridion_, George Sand a consomme la besogne de demolition. Dans les
_Sept Cordes de la Lyre_, se dessinera en 1839 le concept de la Cite
future, ou l'humanite, au lieu de vegeter, devra prosperer et s'epanouir
en une atmosphere de lumiere et de beaute. Cette idee se formule sous les
especes d'un drame philosophique, analogue a ceux que s'est complu a
concevoir Renan sur son declin: l'_Abbesse de Jouarre, Caliban_, l'_Eau de
Jouvence_, le _Pretre de Nemi_. Ici, l'oeuvre se divise en cinq actes, qui
ont pour denominations: _la Lyre_, les _Cordes d'or_, les _Cordes
d'argent_, les _Cordes d'acier_, la _Corde d'airain_. Maitre Albertus,
docteur es metaphysique, a herite cette lyre de son vieil ami, le luthier
Meinbaker, qui lui a legue le soin d'elever sa fille Helene. Elle grandit
parmi les disciples du philosophe, encline a cultiver la poesie et la
musique qui lui sont interdites. Maitre Albertus est un educateur austere,
incorruptible. A tous les acheteurs successifs il refusera de vendre la
lyre merveilleuse; il la protegera contre le perfide Mephistopheles, qui
tachera de la derober ou de la detruire. Il honore en elle la majeste d'un
symbole. "L'ame, dit-il, est une lyre dont il faut faire vibrer toutes les
cordes, tantot ensemble, tantot une a une, suivant les regles de
l'harmonie et de la melodie; mais, si on laisse rouiller ou detendre ces
cordes a la fois delicates et puissantes, en vain l'on conservera avec
soin la beaute exterieure de l'instrument, en vain l'or et l'ivoire de la
lyre resteront purs et brillants; la voix du ciel ne l'habite plus, et ce
corps sans ame n'est plus qu'un meuble inutile. "C'est la meme doctrine
que professe Hanz, disciple favori du maitre, et qui parait etre un double
de Pierre Leroux. Il recite fort congrument sa lecon de metaphysique:
"L'humanite est un vaste instrument dont toutes les cordes vibrent sous un
souffle providentiel, et, malgre la difference des tons, elles produisent
la sublime harmonie. Beaucoup de cordes sont brisees, beaucoup sont
faussees; mais la loi de l'harmonie est telle que l'hymne eternel de la
civilisation s'eleve incessamment de toutes parts, et que tout tend a
retablir l'accord
|