t l'Eternel entend
toutes les voix de la lyre universelle."
Pourquoi maitre Albertus brise-t-il successivement les deux cordes d'or,
les deux cordes d'argent, qui representent, celles-la la foi et l'infini,
celles-ci l'esperance et la beaute? Ce n'est pas pour complaire a
Mephistopheles, qu'il traite avec une rudesse antisemite: "Votre maladie,
dites-vous, etait mortelle, mais les juifs ont la vie si dure!... Quand un
juif se plaint, c'est signe qu'il est content." Albertus, quoique ce drame
ne soit ni localise ni date, est un idealiste que le machinisme moderne
doit deconcerter. Mais l'Esprit de la lyre lui annonce--comme la Sibylle a
Enee les glorieux destins reserves aux chemins de fer. Cette prophetie ne
sera point sans interet, formulee qu'elle est en 1839: "Sur ces chemins
etroits, rayes de fer, qui tantot s'elevent sur les collines et tantot
s'enfoncent et se perdent dans le sein des la terre, vois rouler, avec la
rapidite de la foudre, ces lourds chariots enchaines a la file, qui
portent des populations entieres d'une frontiere a l'autre dans l'espace
d'un jour, et qui n'ont pour moteur qu'une colonne de noire fumee! Ne
dirait-on pas du char de Vulcain roule par la main formidable des
invisibles cyclopes?" On pourrait ajouter que la description de George
Sand ressemble au developpement d'une matiere de vers latins ou a une
paraphrase en prose de l'abbe Delille.
Apres les cordes d'acier brisees, qui etaient les cordes humaines, il ne
reste plus que la seule corde d'airain, la corde d'amour. Et l'Esprit de
la lyre murmure a Helene, mystiquement eprise d'Albertus: "O Helene,
aime-moi comme je t'aime! L'amour est puissant, l'amour est immense,
l'amour est tout; c'est l'amour qui est dieu; car l'amour est la seule
chose qui puisse etre infinie dans le coeur de l'homme." En un paroxysme
d'extase, la jeune fille saisit la lyre, touche avec impetuosite la corde
d'airain et la brise. Elle tombe morte, Albertus evanoui. Quand il se
reveille, il dit a ses disciples ces simples paroles: "Mes enfants,
l'orage a eclate, mais le temps est serein; mes pleurs ont coule, mais mon
front est calme; la lyre est brisee, mais l'harmonie a passe dans mon ame.
Allons travailler!" Et ce dernier mot est precisement celui que Claude
Ruper, qui a prie comme Albertus, adresse a son disciple Antonin, quand le
rideau du dernier acte tombe sur la _Femme de Claude_.
Voila les pensees sublimes d'eternite et de pardon que nous retrouverons
au
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