avait interieurement abjure. Mais ce n'etait pas assez d'avoir quitte
l'erreur; il aurait encore fallu trouver la verite. "Spiridion l'a
cherchee, et apres lui son disciple Fulgence, et ensuite Alexis, disciple
de Fulgence, et enfin Angel, disciple d'Alexis. A quel resultat sont-ils
parvenus? Ils n'ont etabli que ce qu'on pourrait appeler des constatations
negatives. Leur doctrine, tres nette en sa partie critique, demeurera
vague en ses conclusions positives. Le P. Alexis a ete concu fort
exactement: il expose a Angel les vices et les calculs des moines, leurs
voisins de cellules. C'est un tableau, severe mais veridique, de la vie
conventuelle et de l'ame monacale: "Ils ont pressenti en toi un homme de
coeur, sensible a l'outrage, compatissant a la souffrance, ennemi des
feroces et laches passions. Ils se sont dit que dans un tel homme ils ne
trouveraient pas un complice, mais un juge; et ils veulent faire de toi ce
qu'ils font de tous ceux dont la vertu les effraie et dont la candeur les
gene. Ils veulent t'abrutir, effacer en toi par la persecution toute
notion du juste et de l'injuste, emousser par d'inutiles souffrances toute
genereuse energie. Ils veulent, par de mysterieux et vils complots, par
des enigmes sans mot et des chatiments sans objet, t'habituer a vivre
brutalement dans l'amour et l'estime de toi seul, a te passer de sympathie,
a perdre toute confiance, a mepriser toute amitie. Ils veulent te faire
desesperer de la bonte du maitre, te degouter de la priere, te forcer a
mentir ou a trahir tes freres dans la confession, te rendre envieux,
sournois, calomniateur, delateur. Ils veulent te rendre pervers, stupide
et infame. Ils veulent t'enseigner que le premier des biens c'est
l'intemperance et l'oisivete, que pour s'y livrer en paix il faut tout
avilir, tout sacrifier, depouiller tout souvenir de grandeur, tuer tout
noble instinct. Ils veulent t'enseigner la haine hypocrite, la vengeance
patiente, la couardise et la ferocite. Ils veulent que ton ame meure pour
avoir ete nourrie de miel, pour avoir aime la douceur et l'innocence. Ils
veulent, en un mot, faire de toi un moine." Et, comme Angel se recrie
devant cette peinture d'un monastere avili, peuple de prevaricateurs,
Alexis resume ce qui, dans sa bouche, n'est pas une philippique ou une
declamation sous forme de requisitoire, mais une these etayee par des
faits: "Tu chercherais en vain un couvent moins souille et des moines
meilleurs; tous sont ainsi. La
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