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sa genereuse indignation de basse animosite. Il a parle, il a fletri les
turpitudes du siecle, et on l'a jete en prison. Il etait vieux, debile,
maladif: ils se sont rejouis, pensant qu'ils allaient le tuer, et que de
la geole, ou ils l'enfermaient, ils ne verraient bientot sortir qu'une
ombre, un esprit dechu, une voix eteinte, une puissance aneantie. Et
cependant il parle encore, il parle plus haut que jamais. Ils ont cru
avoir affaire a un enfant timide qu'on brise avec les chatiments, qu'on
abrutit avec la peur. Les pedants! ils se regardent maintenant confus,
epouvantes, et se demandent quelle etincelle divine anime ce corps si
frele, cette ame si tenace." Au seul Lamennais George Sand attribue le
reveil evangelique qui combat le materialisme, institue une philosophie
chretienne et triomphe du voltairianisme, repandu dans le peuple aussi
bien que dans les hautes classes. "Il est, dit-elle, le dernier pretre, le
dernier apotre du christianisme de nos peres, le dernier reformateur de
l'Eglise qui viendra faire entendre a vos oreilles etonnees cette voix de
la predication, cette parole accentuee et magnifique des Augustin et des
Bossuet, qui ne retentit plus, qui ne pourra plus jamais retentir sous les
voutes affaissees de l'Eglise."
Que va-t-il cependant devenir, sortant de sa tour d'ivoire, de sa solitude
de La Chesnaie, pour entrer dans la politique militante, dans la melee des
partis? Il se fixe a Paris, il fonde un journal, qui s'appelle le _Monde_.
George Sand l'annonce a madame d'Agoult, dans une lettre envoyee de La
Chatre a Geneve, le 25 mai 1836. Que sera ce journal? Sera-t-il viable?
Lamennais sera-t-il l'homme de la polemique quotidienne? Et elle se repond
a elle-meme: "Il lui faut une ecole, des disciples. En morale et en
politique, il n'en aura pas, s'il ne fait d'enormes concessions a notre
epoque et a nos lumieres. Il y a encore en lui, d'apres ce qui m'est
rapporte par ses intimes amis, beaucoup plus du pretre que je ne croyais.
On esperait l'amener plus avant dans le cercle qu'on n'a pu encore le
faire. Il resiste. On se querelle et on s'embrasse. On ne conclut rien
encore. Je voudrais bien que l'on s'entendit. Tout l'espoir de
l'_intelligence vertueuse_ est la. Lamennais ne peut marcher seul."
Va-t-elle s'enregimenter dans la phalange sacree du prophete? Sera-t-elle
une unite dans cette armee? "Le plus grand general du monde, dit-elle, ne
fait rien sans soldats. Mais il faut des soldats e
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