quelques
abonnes de plus a son journal; lequel journal durera ce qu'il voudra et me
paiera ce qu'il pourra. Je ne m'en soucie pas beaucoup. L'abbe de
Lamennais sera toujours l'abbe de Lamennais, et il n'y a ni conseil ni
association possibles pour faire, de George, autre chose qu'un tres pauvre
garcon."
Un journal, tel que le _Monde_, ne pouvait guere inserer un vulgaire
roman. George Sand lui donna une sorte de feuilleton philosophique, les
_Lettres a Marcie_, qu'elle ecrivait au jour le jour, malgre sa repugnance
pour ce labeur hatif et haletant. Elle se reconnait impropre a la
"fabrication rapide, pittoresque et habilement accidentee de ces romans
dont l'interet se soutient malgre les hasards de la publication
quotidienne." Elle ne continua pas les _Lettres a Marcie_, du jour ou
Lamennais abandonna la direction du _Monde_. "Je n'avais pas de gout,
dit-elle, et je manquais de facilite pour ce genre de travail interrompu,
et pour ainsi dire hache." L'oeuvre avait cependant une idee directrice.
George Sand voulait repondre aux pretendus moralistes qui l'avaient
souvent mise au defi de devoiler ses criminelles intentions a l'endroit du
mariage. Elle expose sa doctrine sous le patronage de Lamennais, qui sera
bientot assez gene de couvrir cette marchandise de son pavillon.
L'heroine, Marcie, est une fille de vingt-cinq ans, sans fortune, a qui
sont adressees les six _Lettres_ qui traitent de la condition de la femme
et de l'egalite des droits des deux sexes. Neanmoins, l'ami qui correspond
avec elle, n'admet pas les equivoques revendications feminines formulees
par les saint-simoniens. La theorie de l'amour libre, naguere preconisee
par George Sand, a cede devant l'austere influence de Lamennais. Voici la
declaration tres explicite de la premiere _Lettre_: "Quant a ces
dangereuses tentatives qu'ont faites quelques femmes dans le
saint-simonisme pour gouter le plaisir dans la liberte, pensez-en ce que
vous voudrez, mais ne vous y hasardez pas." Et dans la troisieme _Lettre_:
"Les femmes crient a l'esclavage. Qu'elles attendent que l'homme soit
libre, car l'esclavage ne peut donner la liberte!" En revendiquant
certains droits pour la femme, George Sand n'a garde d'identifier ses
facultes avec celles de l'homme. "L'egalite, dit-elle, n'est pas la
similitude." Et elle repudie telles tendances aventureuses et chimeriques:
"Des velleites d'ambition se sont trahies chez quelques femmes trop fieres
de leur education de fraich
|