ources de vie et de mort, et, si je suis
plus fervent que la masse pour desirer son salut, je ne suis pas plus
savant qu'elle pour lui enseigner le chemin. Laissez-moi gemir et prier
sur cette Jerusalem qui a perdu ses dieux et qui n'a pas encore salue son
messie. Ma vocation est de hair le mal, d'aimer le bien, de m'agenouiller
devant le beau."
Comment vont se traduire ces maximes en actes? Et, d'abord, comment le
republicanisme de George Sand va-t-il s'adapter a l'education de Maurice?
Elle sait que son fils est, au college Henri IV, camarade du duc de
Montpensier, qu'il a ete invite aux Tuileries, qu'il est alle chez la
reine. Elle s'en emeut: "Tu es encore trop jeune pour que cela tire a
consequence; mais, a mesure que tu grandiras, tu reflechiras aux
consequences des liaisons avec les aristocrates. Je crois bien que tu n'es
pas tres lie avec Sa Majeste et que tu n'es invite que comme faisant
partie de la classe de Montpensier. Mais, si tu avais dix ans de plus, tes
opinions te defendraient d'accepter ces invitations."
Elle le met en garde contre les seductions de la cour, contre les
sortileges de la puissance: "Les amusements que Montpensier t'offre sont
deja des faveurs. Songes-y! Heureusement elles ne t'engagent a rien; mais,
s'il arrivait qu'on te fit, devant lui, quelque question sur tes opinions,
tu repondrais, j'espere, comme il convient a un enfant, que tu ne peux pas
en avoir encore; tu ajouterais, j'en suis sure, comme il convient a un
homme, que tu es republicain de race et de nature; c'est-a-dire qu'on t'a
enseigne deja a desirer l'egalite, et que ton coeur se sent dispose a ne
croire qu'a cette justice-la. La crainte de mecontenter le prince ne
t'arreterait pas, je pense. Si, pour un diner ou un bal, tu etais capable
de le flatter, ou seulement si tu craignais de lui deplaire par ta
franchise, ce serait deja une grande lachete."
Toutefois elle l'incite a s'abstenir d'une arrogance deplacee, a ne dire,
devant Montpensier, ni du mal de son pere: ce serait une espece de
crime--ni du bien: ce serait vendre sa conscience. Bref, Maurice devra
eviter, a la cour, d'appeler Louis-Philippe _la Poire_, selon l'expression
que George Sand emploie au courant de la plume. Mais qu'il se garde de
toute familiarite, de tout abandon avec les princes! "Ce sont nos ennemis
naturels, et, quelque bon que puisse etre l'enfant d'un roi, il est
destine a etre tyran. Nous sommes destines a etre avilis, repousses ou
persecute
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