s par lui. Ne te laisse donc pas trop eblouir par les bons diners
et par les fetes. Sois un _vieux Romain_ de bonne heure, c'est-a-dire,
fier, prudent, sobre, ennemi des plaisirs qui coutent l'honneur et la
sincerite." Et Maurice lui repond: "Montpensier m'a invite a son bal,
malgre mes opinions politiques. Je m'y suis bien amuse. Il nous a tous
fait cracher avec lui sur la tete des gardes nationaux." On ne s'ennuyait
pas a un gala du roi-citoyen.
Voila cette correspondance extraordinaire que George Sand recommandait a
son fils de garder secrete, sans la montrer jamais a son pere et meme sans
lui en parler. "Tu sais, ajoutait-elle, que ses opinions different des
miennes. Tu dois ecouter avec respect tout ce qu'il te dira; mais ta
conscience est libre et tu choisiras, entre ses idees et les miennes,
celles qui te paraitront meilleures. Je ne te demanderai jamais ce qu'il
te dit; tu ne dois pas non plus lui faire part de ce que je t'ecris."
Aussi a-t-elle soin de ne point envoyer ses lettres par la poste ni par
l'intermediaire du proviseur. Comme s'il s'agissait de billets d'amour,
elle les fait porter par son jeune ami Emmanuel Arago, qui va voir
l'enfant aux heures de recreation et qui, trois ou quatre jours apres,
recoit les reponses du collegien, pour les transmettre a la mere. De plus,
Maurice doit laisser cette correspondance dans _sa baraque_ au college et
ne jamais l'emporter les jours de sortie. Que de mysteres pour des
effusions politiques!
Au demeurant, George Sand ne pratiquera pas toujours l'intransigeance
republicaine qu'elle enseigne et preconise. Sous le second Empire, elle
aura des accointances avec le Palais-Royal, sinon avec les Tuileries. Elle
sera en commerce epistolaire des plus assidus avec le prince Jerome
Napoleon, et temoignera pour les Bonaparte une sympathie qu'elle interdit
a son fils envers les d'Orleans. En 1836, sa raison, son ame et son coeur
appartiennent a la Republique. Michel (de Bourges) a suscite en elle la
foi democratique; le saint-simonisme, cotoye, lui a communique une ardeur
de regeneration sociale et de proselytisme egalitaire qu'elle pousse
jusqu'a declarer a Adolphe Gueroult: "Je ne connais et n'ai jamais connu
qu'un principe: celui de l'abolition de la propriete." Sous les auspices
de Lamennais, elle va donner l'essor a son ideal humanitaire.
CHAPITRE XIX
INFLUENCE PHILOSOPHIQUE: LAMENNAIS
Quand George Sand rencontra Lamennais, il n'etait plus le pretre
ult
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