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qui nous revele l'ascension du genie vers la verite et la lumiere. C'est,
dit-elle, "le progres d'une intelligence eclose dans les liens des
croyances du passe et condamnee par la Providence a les elargir et a les
briser, a travers mille angoisses, sous la pression d'une logique plus
puissante que celle des ecoles, la logique du sentiment." Elle explique,
avec une clairvoyance doublee de poesie, ce melange de dogmatisme absolu
et de sensibilite impetueuse qui determina Lamennais a chercher, d'etape
en etape, un lieu d'asile pour son imagination tourmentee et morose.
Maintes fois il crut l'avoir trouve. Il s'en rejouissait et le proclamait.
Mais le duel continuait entre son coeur et sa raison, et celui-la criait a
celle-ci une adjuration que George Sand resume en ces termes: "Eh bien! tu
t'etais donc trompee! car voila que des serpents habitaient avec toi, a
ton insu. Ils s'etaient glisses, froids et muets, sous ton autel, et voila
que, rechauffes, ils sifflent et relevent la tete. Fuyons, ce lieu est
maudit et la verite y serait profanee. Emportons nos lares, nos travaux,
nos decouvertes, nos croyances; mais allons plus loin, montons plus haut,
suivons ces esprits qui s'elevent en brisant leurs fers; suivons-les pour
leur batir un autel nouveau, pour leur conserver un ideal divin, tout en
les aidant a se debarrasser des liens qu'ils trainent apres eux et a se
guerir du venin qui les a souilles dans les horreurs de cette prison."
Alors sur d'autres bases et d'autres plans, en quelque contree qui
avoisine la Republique de Salente et la Cite de Dieu, surgit une eglise
nouvelle, ouverte toute grande a des foules qui prefereront, helas!
l'etroitesse et la vulgarite de leurs anciens sanctuaires. La foi
democratique et chretienne de Lamennais ne s'adresse qu'a une elite
idealiste. De la les deceptions et les surprises qu'il eprouve, lorsqu'il
entre en contact avec les realites coutumieres, lorsqu'il redescend des
sommets radieux vers l'humanite miserable. Il se laissait parfois, a
l'estime de George Sand, seduire et duper par des influences passageres et
inferieures. Elle se plaint d'en avoir pati. "Ces inconsequences,
ecrit-elle, ne partaient pas des entrailles de son sentiment. Elles
etaient a la surface de son caractere, au degre du thermometre de sa frele
sante. Nerveux et irascible, il se fachait souvent avant d'avoir reflechi,
et son unique defaut etait de croire avec precipitation a des torts qu'il
ne prenait
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