utant de fleurs et d'oiseaux dans mon
jardin. Liszt jouait du piano au rez-de-chaussee, et les rossignols,
enivres de musique et de soleil, s'egosillaient avec rage sur les lilas
environnants."
La _Derniere Aldini_ fut composee a Fontainebleau, ou les souvenirs de
l'automne de 1833, en compagnie de Musset, ramenaient l'imagination de
George Sand vers Venise. Elle se plut a raconter l'aventure de Nello,
gondolier chioggiote, qui est aime de la princesse Bianca Aldini. Elle lui
offre de l'epouser, il refuse. Plus tard, devenu le grand chanteur Lelio,
il attire l'attention de la petite Alezia, qui l'entend a San Carlo. Or
elle est la fille de la princesse Aldini. Il l'a jadis bercee, toute
enfant, de ses chansons de gondolier. Il se derobe a une maniere d'inceste
sentimental. Et ce roman, ou les deux Aldini font une agreable antithese,
offre a nos meditations un cas de conscience ou plutot une enigme
voluptueuse que George Sand formule ainsi: "A quoi connait-on l'amour? au
plaisir qu'on donne ou a celui qu'on eprouve?" Le champ est ouvert aux
controversistes.
Moindre nous apparait l'interet de l'_Uscoque_, conte byronien. Orio
Soranzo epouse la belle Giovanna Morosini, en la detournant de son fiance,
le comte Ezzelin. Officier au service de la republique de Venise, Orio se
fait pirate, autrement dit, uscoque. Il tue Ezzelin, sa femme, ses
complices, avec le concours de Naam, jolie fille turque, deguisee en homme,
qui l'a delivre lui-meme en assassinant le pacha de Patras. Arrete, Orio
simule la folie, mais il est condamne a mort et execute. Naam subirait le
meme sort sans l'intervention d'un juge, frappe de sa beaute. Or Naam
etait un homme. Des lors, le juge fut-il content ou decu? Tout cela est
obscur et troublant.
En meme temps qu'elle fournissait ainsi a la _Revue des Deux Mondes_ sa
production romanesque, George Sand s'orientait vers des idees plus graves.
Lamennais et Pierre Leroux allaient la convertir aux conceptions d'une
philosophie democratique, egalitaire et socialiste. Elle y inclinait
progressivement, comme on le peut voir dans diverses lettres a son fils,
notamment dans celle du 3 janvier 1836. Cette correspondance, adresses a
un collegien de treize ans, traite fort eloquemment la question sociale,
soulevee par toutes les ecoles reformatrices d'alors. "Quand tu seras plus
grand, ecrit-elle a Maurice, tu liras l'histoire de cette Revolution dont
tu as tant entendu parler et qui a fait faire un grand pas
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