rosite et d'indulgence; elle ecrivit a son mari une lettre ou elle
faisait une confession generale et l'aveu d'une faute qu'elle se
reprochait."
Me Thiot-Varennes denature le caractere de cette lettre, en nous laissant
croire que madame Dudevant y faisait amende honorable, prenait posture de
suppliante et "rendait justice a la bonte, a la generosite, aux soins
prevenants, aux egards continuels de son cher Casimir." C'est alterer la
verite plus qu'il n'est permis, meme a la barre. De vrai, il y avait entre
les epoux une difference de gouts et de penchants, que l'avocat du mari
presente en ces termes: "Madame Dudevant aimait avec passion la poesie,
les beaux-arts, les entretiens litteraires et philosophiques. M. Dudevant
avait les gouts simples de l'homme des champs, plus occupe de ses
proprietes que de descriptions champetres. Elle etait reveuse,
melancolique, cherchant parfois la solitude; il avait les habitudes et le
laisser-aller d'un bon bourgeois."
Il etait malaise de faire admettre a la Cour que M. Dudevant eut obei a
l'amour conjugal en repoussant la separation, et il convenait d'invoquer
quelque sentiment plus plausible. Me Thiot-Varennes s'y evertua sans grand
succes, en alleguant la tendresse paternelle. "S'il n'y avait pas
d'enfants, s'ecria-t-il, on pourrait croire que l'interet seul guide M.
Dudevant. Mais ici, s'il resiste, s'il pardonne, s'il veut rappeler aupres
de lui la mere de ses enfants, c'est parce qu'il songe a leur avenir. Et
qu'on ne dise pas que les plaintes qu'il a elevees, les griefs qu'il a
exposes rendent impossible la reunion des epoux! La loi a prevu le cas ou
le mari offense peut poursuivre l'epouse infidele, faire constater sa
honte, sans qu'elle puisse cependant se soustraire au joug marital; il a
recours a la voie correctionnelle, et elle n'est pas autorisee pour cela a
demander la separation; et meme, la separation prononcee, le mari peut la
faire cesser en consentant a reprendre sa femme." Toute cette
argumentation, ou intervient Jesus, homme ou Dieu, philosophe ou prophete,
est tres fragile. On sent que M. Dudevant avait un moindre souci de
l'honneur que de l'argent. Et son avocat, pour masquer la vulgarite du
personnage, hasarde la peroraison pathetique: "Madame, votre mari fut
genereux en 1825; il l'est encore, car aujourd'hui comme alors il oublie
vos torts et il vous pardonne." Puis, venant a la question des enfants:
"Peut-on les arracher a M. Dudevant pour les livrer a une me
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