iberte! Ce fut le malheur de Michel (de Bourges)
d'aspirer a une sorte de despotisme democratique ou il eut tenu l'emploi
de dictateur. George Sand, apitoyee sur les deboires d'une ambition qui
fut sterile pour la cause revolutionnaire, lui dediera cette oraison
funebre: "Il a passe sur la terre comme une ame eperdue, chassee de
quelque monde superieur, vainement avide de quelque grande existence
appropriee a son grand desir. Il a dedaigne la part de gloire qui lui
etait comptee et qui eut enivre bien d'autres. L'emploi borne d'un talent
immense n'a pas suffi a son vaste reve."
En 1835, la cliente n'entrevoyait point les defauts de son avocat. Elle
quitta Bourges, subjuguee, fascinee, et le lendemain elle recut a son
reveil "une lettre enflammee du meme souffle de proselytisme qu'il
semblait avoir epuise dans la veillee deambulatoire a travers les grands
edifices blanchis par la lune et sur le pave retentissant de la vieille
cite endormie." Une correspondance s'ensuivit, dont nous retrouvons une
part, due a George Sand, dans les _Lettres d'un Voyageur_. Ils allaient
d'ailleurs se rejoindre a Paris. Michel (de Bourges) plaidait dans le
proces d'avril, le _proces monstre_, qui se deroula devant la Chambre
des pairs et qui mettait aux prises la Monarchie et la Republique. C'etait
le va-tout du gouvernement de Louis-Philippe.
George Sand, habillee en homme, assista a l'audience du 20 mai, ou elle
penetra en compagnie d'Emmanuel Arago. Chaque soir, le petit cenacle,
moitie litteraire, moitie politique, se reunissait dans le logement du
quai Malaquais. Ou bien, apres un diner frugal dans un modeste restaurant,
on allait se promener, soit en bateau sur la Seine, soit le long des
boulevards. Une de ces promenades exerca une influence decisive sur
l'imagination et la foi de George Sand. C'etait au sortir du
Theatre-Francais. Par une nuit magnifique, elle ramenait Michel (de
Bourges) a son domicile du quai Voltaire. Planet les accompagnait. Entre
eux trois, la question sociale fut serieusement posee. On discuta
l'hypothese du partage des biens, et George Sand, devenue conservatrice ou
du moins moderee quand elle ecrit l'_Histoire de ma Vie_, ajoute ce
commentaire et cette retractation: "J'entendais, moi, le partage des biens
de la terre d'une facon toute metaphorique; j'entendais reellement par la
la participation au bonheur, due a tous les hommes, et je ne pouvais pas
m'imaginer un depecement de la propriete qui n'eut pu rendr
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