a-dire a son ami Jules Neraud, George Sand exprime son degout des
contestations judiciaires, surtout lorsqu'elles touchent aux affections
les plus sacrees. "Ce proces, ecrit-elle, d'ou depend mon avenir, mon
honneur, mon repos, l'avenir et le repos de mes enfants, je le croyais
loyalement termine. Tu m'as quitte comme j'etais a la veille de rentrer
dans la maison paternelle. On m'en chasse de nouveau, on rompt les
conventions jurees. Il faut combattre sur nouveaux frais, disputer pied a
pied un coin de terre..., coin precieux, terre sacree, ou les os de mes
parents reposent sous les fleurs que ma main sema et que mes pleurs
arroserent." Plus loin elle se demande comment poete, marquee au front
pour n'appartenir a rien et a personne, pour mener une vie errante, elle
s'est liee a la societe et a fait alliance avec la famille humaine. "Ce
n'etait pas la mon lot, soupire t-elle. Dieu m'avait donne un orgueil
silencieux et indomptable, une haine profonde pour l'injustice, un
devouement invincible pour les opprimes. J'etais un oiseau des champs, et
je me suis laisse mettre en cage; une liane voyageuse des grandes mers, et
on m'a mis sous une cloche de jardin. Mes sens ne me provoquaient pas a
l'amour, mon coeur ne savait ce que c'etait. Mon esprit n'avait besoin que
de contemplation, d'air natal, de lectures et de melodies. Pourquoi des
chaines indissolubles a moi?.. Et parce qu'en ecrivant des contes pour
gagner le pain qu'on me refusait je me suis souvenu d'avoir ete malheureux,
parce que j'ai ose dire qu'il y avait des etres miserables dans le
mariage, a cause de la faiblesse qu'on ordonne a la femme, a cause de la
brutalite qu'on permet au mari, a cause des turpitudes que la societe
couvre d'un voile et protege du manteau de l'abus, on m'a declare immoral,
on m'a traite comme si j'etais l'ennemi du genre humain!" Doutant de la
justice d'ici-bas, elle tourne ses regards et tend ses mains vers l'autre,
en s'ecriant: "Non! toi seul, o Dieu! peux laver ces taches sanglantes que
l'oppression brutale fait chaque jour a la robe expiatoire de ton Fils et
de ceux qui souffrent en invoquant son nom!... Du moins toi, tu le peux et
tu le veux; car tu permets que je sois heureux, malgre tout, a cette heure,
sans autre richesse que mon encrier, sans autre abri que le ciel, sans
autre desir que celui de rendre un jour le bien pour le mal, sans autre
plaisir terrestre que celui de secher mes pieds sur cette pierre chauffee
du soleil. O mes
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