e furieuse.
Les amis presents, notamment Duteil, tenterent vainement une
reconciliation. Le lendemain, apres une nuit d'insomnie et d'angoisse,
George Sand decida irrevocablement de ne plus vivre avec M. Dudevant et
meme de ne plus le revoir. Elle passa cette journee, la derniere des
vacances, en compagnie de ses enfants, dans le bois de Vavray. "Un
endroit charmant, dit-elle, d'ou, assis sur la mousse a l'ombre des
vieux chenes, on embrassait de l'oeil les horizons melancoliques et
profonds de la Vallee Noire. Il faisait un temps superbe, Maurice
m'avait aidee a deteler le petit cheval qui paissait a cote de nous. Un
doux soleil d'automne faisait resplendir les bruyeres. Armes de couteaux
et de paniers, nous faisions une recolte de mousse et de jungermannes
que le Malgache m'avait demande de prendre la, au hasard, pour sa
collection, n'ayant pas, lui, m'ecrivait-il, le temps d'aller si loin
pour explorer la localite. Nous prenions donc tout sans choisir, et mes
enfants, l'un qui n'avait pas vu passer la tempete domestique de la
veille, l'autre qui, grace a l'insouciance de son age, l'avait deja
oubliee, couraient, criaient et riaient a travers le taillis." Apres un
gouter sur l'herbe, on rentra a la nuit tombante, et ce furent les
adieux. M. Dudevant, qui avait eu du moins ]a pudeur de quitter Nohant,
attendait Maurice et Solange a La Chatre pour les ramener au college et
a la pension.
George Sand consulta tout d'abord a Chateauroux son vieil ami, l'avocat
Rollinat, qui lui conseilla une separation judiciaire; puis ils allerent
ensemble, le jour meme, a Bourges, prendre l'avis de Michel, qui
purgeait sa peine a la prison de ville, antique chateau des ducs de
Bourgogne. Grace a la complaisance d'un geolier, ils s'introduisirent
par une breche, et dans les tenebres suivirent des galeries et des
escaliers fantastiques. Les deux avocats tomberent d'accord et
resolurent de mener la procedure en toute hate, de maniere a deconcerter
M. Dudevant et a profiter de son desarroi. Le 30 octobre 1835, George
Sand, elisant domicile de droit et de fait a La Chatre chez Duteil, ami
commun du menage, deposa devant le tribunal de cette ville une plainte
avec demande de separation de corps, pour injures graves, sevices et
mauvais traitements. Le 1er novembre, elle en informe madame d'Agoult,
alors a Geneve: "Je plaide en separation contre mon epoux, qui a
deguerpi, me laissant maitresse du champ de bataille... Je ne recois
personne, j
|