u
matin, par une promenade a travers les rues silencieuses et endormies. Ce
ne fut guere qu'un monologue. Michel etait un merveilleux, un intarissable
causeur. Fils d'un republicain qui mourut en 1799 sous les coups de la
reaction royaliste, il fut eleve par sa mere dans le culte et l'amour de
la Revolution. En 1835, il avait trente-sept ans et comptait deja les plus
brillants succes a la barre. Sur l'ame mobile et ardente de George Sand,
il exerca d'instinct, encore que plus tard elle ait voulu s'en defendre,
une reelle fascination. Que dit-il donc, et comment, pour que la conquete
fut si rapide? "Tout et rien, explique-t-elle. Il s'etait laisse emporter
par nos _dires_, qui ne se placaient la que pour lui fournir la replique,
tant nous etions curieux d'abord et puis ensuite avides de l'ecouter. Il
avait monte d'idee en idee jusqu'aux plus sublimes elans vers la Divinite,
et c'est quand il avait franchi tous ces espaces qu'il etait veritablement
transfigure. Jamais parole plus eloquente n'est sortie, je crois, d'une
bouche humaine, et cette parole grandiose etait toujours simple. Du moins
elle s'empressait de redevenir naturelle et familiere quand elle
s'arrachait souriante a l'entrainement de l'enthousiasme. C'etait comme
une musique pleine d'idees qui vous eleve l'ame jusqu'aux contemplations
celestes, et qui vous ramene sans effort et sans contraste, par un lien
logique et une douce modulation, aux choses de la terre et aux souffles de
la nature." Chez Michel (de Bourges) la seduction intellectuelle ne devait
rien a la tromperie des agrements physiques. George Sand a trace de
l'orateur et du politique un portrait singulierement elogieux, dans le
sixieme chapitre des _Lettres d'un Voyageur_, ou se trouvent reunies les
reponses qu'elle lui adressait au debut meme de leur liaison; puis, dans
la septieme _Lettre_ a Liszt, elle l'analyse et le decrit, suivant les
lois de la physionomonie de Lavater dont elle etait alors ferue. "Je salue,
s'ecrie-t-elle, a l'aspect de vos spectres cheris, o mes amis! o mes
maitres! les tresors de grandeur ou de bonte qui sont en vous, et que le
doigt de Dieu a reveles en caracteres sacres sur vos nobles fronts! La
voute immense du crane chauve d'Everard, si belle et si vaste, si parfaite
et si complete dans ses contours qu'on ne sait quelle magnifique faculte
domine en lui toutes les autres; ce nez, ce menton et ce sourcil dont
l'energie ferait trembler si la delicatesse exquise de l'intelli
|