qu'elle
sortait a peine de sa liaison tourmentee avec Alfred de Musset.
Durant les sejours que George Sand fit a Nohant apres le voyage de Venise,
elle eut avec son mari, sinon des explications decisives, du moins des
scenes penibles devant temoins. M. Dudevant etait un homme etrange, exempt
de dignite morale. Il n'avait cesse d'ecrire a sa femme, et meme en termes
affectueux, tandis qu'elle cohabitait avec Musset, puis avec Pagello; il
avait invite celui-ci a venir passer quelques jours a la campagne. Bref,
il acceptait la situation qui lui etait faite, mais il prenait sa revanche
dans les menues choses de la vie. Sous l'excitation du vin ou de l'alcool,
il tempetait a table, brusquait Solange, et, pour une bouteille cassee que
George Sand commandait de remplacer, il defendait aux domestiques, devant
les convives etonnes, de recevoir d'autres ordres que les siens. "Je suis
le maitre," aimait-il a repeter. En tous cas, il avait fort mal gere ses
affaires. Son patrimoine etait dissipe, et deja il entamait la fortune de
sa femme. Elle proposa et il accueillit une separation a l'amiable, qui
reglerait leurs interets materiels. George Sand aurait Nohant; Casimir
l'hotel de Narbonne, a Paris. Solange serait elevee par sa mere, les
vacances de Maurice se partageraient entre ses parents. Enfin, comme M.
Dudevant n'avait plus que 1.200 francs de rente, sa femme se chargeait de
lui fournir une pension supplementaire de 3.800 francs, en meme temps
qu'elle assumait les autres obligations qui incombaient a la communaute.
Cette convention devait etre executee a dater du 11 novembre 1835. Elle
avait recu l'assentiment des deux parties, l'approbation de divers hommes
de loi, notamment de Michel (de Bourges) dont George Sand prenait les
conseils. Deux amis communs, Fleury et Planet, les avaient mis en
relations, et il allait devenir pour elle plus et mieux qu'un avocat.
Voici comment l'_Histoire de ma Vie_ relate leur premiere rencontre, en
lui conservant ce pseudonyme transparent d'Everard qui figure dans les
_Lettres d'un Voyageur_: "Arrivee a l'auberge de Bourges, je commencai par
diner, apres quoi j'envoyai dire a Everard par Planet que j'etais la, et
il accourut. Il venait de lire _Lelia_, et il etait _toque_ de cet
ouvrage. Je lui racontai tous mes ennuis, toutes mes tristesses, et le
consultai beaucoup moins sur mes affaires que sur mes idees." L'entretien,
commence a sept heures du soir, se prolongea jusqu'a quatre heures d
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