econ; il me l'avait donnee en maitre. Qu'il
souffre, il te possede... Par le ciel, en fermant cette lettre, il me
semble que c'est mon coeur que je ferme. Je le sens qui se resserre et
s'ossifie."
Pareilles pensees de desespoir hantaient l'imagination de George Sand. Le
31 aout, de Nohant elle ecrit a Jules Boucoiran: "C'est un adieu que je
venais dire a mon pays, a tous les souvenirs de ma jeunesse et de mon
enfance; car vous avez du le comprendre et le deviner: la vie m'est
odieuse, impossible, et je veux en finir absolument avant peu. Nous en
reparlerons." Elle lui recommande Pagello, "un brave et digne homme de
votre trempe, bon et devoue comme vous. Je lui dois la vie d'Alfred et la
mienne. Pagello a le projet de rester quelques mois a Paris. Je vous le
confie et je vous le legue; car, dans l'etat de maladie violente ou est
mon esprit, je ne sais point ce qui peut m'arriver."
De vrai, Pagello s'appretait a regagner Venise. Il avait decline tres
dignement l'invitation que George Sand lui adressait, avec l'agrement de
M. Dudevant, de venir passer huit ou dix jours a Nohant. Au surplus,
malgre ses velleites de suicide, elle chargeait Boucoiran de dire au
proprietaire qu'elle gardait son appartement du quai Malaquais, et elle
donnait l'ordre de faire carder ses matelas, "ne voulant pas etre mangee
aux vers de son vivant."
Dans la premiere quinzaine d'octobre, George Sand rentrait a Paris. Alfred
de Musset y revenait le 13. Peu de jours apres, le 23, Pagello reprenait
le chemin de l'Italie. La vente de quatre tableaux--a l'huile,
observe-t-il--de Zucarelli lui avait, par l'entremise de George Sand,
procure une somme de quinze cents francs. Il acheta une boite d'instruments
de chirurgie et quelques livres de medecine. "Le temps, dit-il, qui est un
grand honnete homme, amena le jour redoute et desire par moi du retour de
la Sand a Paris." Il recut le complement du prix des tableaux, prepara son
bagage et alla prendre conge de George Sand, devant Boucoiran. "Nos adieux
furent muets; je lui serrai la main sans pouvoir la regarder. Elle etait
comme perplexe; je ne sais pas si elle souffrait; ma presence
l'embarrassait. Il l'ennuyait, cet Italien qui, avec son simple bon sens,
abattait la sublimite incomprise dont elle avait coutume d'envelopper la
lassitude de ses amours. Je lui avais deja fait connaitre que j'avais
profondement sonde son coeur plein de qualites excellentes, obscurcies par
beaucoup de defauts. Cette con
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