'est bientot dit et ne compromet
personne."
La meme circonspection, que George Sand recommande a Boucoiran, est mise
par elle en pratique dans l'_Histoire de ma Vie_. On s'est etonne qu'elle
y mentionnat a peine le nom d'Alfred de Musset, a qui elle avait adresse
les trois premieres _Lettres d'un Voyageur_. Pourquoi ce silence obstine
dans l'autobiographie officielle ecrite par George Sand? Etait-elle, aux
environs de la cinquantieme annee, embarrassee de revenir sur un episode
d'amour, vieux de vingt ans? Alfred de Musset lui semblait-il, dans les
_Nuits_ et la _Confession d'un enfant du siecle_, avoir epuise le sujet?
Craignait-elle d'engager une polemique et de susciter des recriminations?
Voici l'insuffisante explication qu'elle donne, a la fin du chapitre VI de
la cinquieme partie de l'_Histoire de ma Vie_: "Des personnes dont j'etais
disposee a parler avec toute la convenance que le gout exige, avec tout le
respect du a de hautes facultes, ou tous les egards auxquels a droit tout
contemporain, quel qu'il soit; des personnes enfin qui eussent du me
connaitre assez pour etre sans inquietude, m'ont temoigne, ou fait
exprimer par des tiers, de vives apprehensions sur la part que je comptais
leur faire dans ces memoires. A ces personnes-la je n'avais qu'une reponse
a faire, qui etait de leur promettre de ne leur assigner aucune part,
bonne ou mauvaise, petite ou grande, dans mes souvenirs. Du moment
qu'elles doutaient de mon discernement et de mon savoir-vivre dans un
ouvrage tel que celui-ci, je ne devais pas songer a leur donner confiance
en mon caractere d'ecrivain, mais bien a les rassurer d'une maniere
spontanee et absolue par la promesse de mon impartialite."
Au premier rang de ces _personnes_ qu'elle a connues, "meme d'une
maniere particuliere," et dont elle ne parlera pas, se trouve Alfred de
Musset. En rentrant a Nohant apres la rupture, elle s'etait promis de
garder le silence sur leur amour defunt. Elle ne se departira de cette
attitude qu'un quart de siecle plus tard, assez malencontreusement
d'ailleurs, pour publier _Elle et Lui_, au lendemain meme de la mort du
poete.
D'autres sympathies, d'autres aspirations vont l'envahir et la posseder.
Elles s'incarneront en un personnage nouveau, dont le nom figure la
premiere fois dans une lettre qu'elle adresse, le 17 avril 1835, a son
frere Hippolyte Chatiron: "J'ai fait connaissance avec Michel, qui me
parait un gaillard solidement trempe pour faire un tribu
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