e tordre dans mon lit, que ferai-je quand je t'aurai perdu pour
toujours? Palirai-je comme une religieuse devoree par les desirs?
Deviendrai-je folle, et reveillerai-je les hotes des maisons par mes
hurlements? Oh! tu veux que je me tue!"
Est-il rien dans la litterature d'imagination qui soit plus dechirant que
ce _Journal_ veridique et vecu? Phedre, Didon, _la Religieuse portugaise_
ont-elles plus desesperement gemi ou crie leur amour? Qui la retient
encore, au bord de l'abime, "dans ces heures feroces ou elle voudrait
arracher son coeur et le devorer"? Il ne subsiste, desormais, de sain dans
son etre que le recoin mysterieux de la tendresse maternelle: "O mon fils,
mon fils, je veux que tu lises ceci un jour et que tu saches combien je
t'ai aime. O mes larmes, larmes de mon coeur, signez cette page, et que
les siennes retrouvent un jour vos larmes aupres de son nom!"
Ce _Journal_, en effet, que George Sand ne voulut jamais publier, fut
classe parmi ses papiers intimes, et n'a ete edite ni par son fils ni par
ses heritiers, alors meme que la correspondance fut recueillie en volumes
et qu'ensuite on livra tres legitimement a la curiosite litteraire du
public les lettres adressees a Alfred de Musset. Ces lettres, qui
provoquerent vers 1840 un echange de recriminations et, de reclamations
entre _Lui et Elle_, sont finalement restees aux mains de George Sand.
Elle faillit les donner au libraire apres la mort de Musset, mais elle en
fut dissuadee par Sainte-Beuve. Nous n'y trouvons que de trop rares
indications sur la reconciliation du mois de janvier 1835, lorsque George
Sand ecrivait victorieusement a Tattet, le 14: "Alfred est redevenu mon
amant", de meme que sur la rupture definitive du mois suivant. Nous
n'avons guere, pour penetrer le secret, qu'une lettre de la malheureuse a
celui qu'elle ne peut retenir: "Eh bien! oui, s-ecrie-t-elle, tu es jeune,
tu es poete, tu es dans ta beaute et dans ta force... Moi, je vais mourir,
adieu, adieu. Je ne veux pas te quitter, je ne veux pas te reprendre, je
ne veux rien, rien! J'ai les genoux par terre et les reins brises. Qu'on
ne me parle de rien! Je veux embrasser la terre et pleurer. Je ne t'aime
plus, mais je t'adore toujours. Je ne veux plus de toi, mais je ne peux
pas m'en passer. Il n'y aurait qu'un coup de foudre d'en haut qui pourrait
me guerir en m'aneantissant. Adieu, reste, pars, seulement ne dis pas que
je ne souffre pas: il n'y a que cela qui puisse me faire souffr
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