rdu." Et la lettre se termine en un veritable spasme
de passion, ou eclate l'erethisme nevrose du poete: "Dis-moi que tu me
donnes tes levres, tes dents, tes cheveux, tout cela, cette tete que j'ai
eue, et que tu m'embrasses, toi, moi! O Dieu, o Dieu, quand j'y pense, ma
gorge se serre, mes yeux se troublent, mes genoux chancellent. Ah! il est
horrible de mourir, il est horrible d'aimer ainsi. Quelle soif, mon George,
oh! quelle soif j'ai de toi! Je t'en prie, que j'aie cette lettre. Je me
meurs. Adieu." Apres avoir indique son adresse, a Baden (Grand-Duche),
pres Strasbourg, poste restante, il ajoute en post-scriptum: "O ma vie, ma
vie, je te serre sur mon coeur, o mon George, ma belle maitresse, mon
premier, mon dernier amour!"
Que devient cependant George Sand? Elle a profite de son sejour a Paris
pour regler ses interets avec Buloz, mais nous ne savons pas si elle a,
comme elle projetait, sermonne le bavard et compromettant Gustave Planche,
contre lequel Alfred de Musset nourrissait une rancune particuliere.
Planche, en effet, fils de pharmacien, avait joue au poete un tour
pendable, du temps ou ils etaient rivaux d'influence aupres de l'auteur de
_Lelia_. Certain jour, il offrit a Musset des bonbons au chocolat. A
peine en eut-il mange deux ou trois qu'il dut ceder la place. C'etaient
des bonbons purgatifs que Gustave Planche avait derobes a l'officine
paternelle. Et cette anecdote, qui a son parfum molieresque, a ete
transmise par madame Martelet, gouvernante d'Alfred de Musset.
Le 29 aout, George Sand arrive a Nohant, en compagnie de son fils Maurice.
Elle y retrouve Solange et le singulier M. Dudevant qui la recoit
placidement, comme si elle ne revenait pas de Venise. Elle a laisse a
Paris, sans s'emouvoir, sans eprouver ni remords ni scrupules, le triste
Pagello, qui ne parait pas avoir supporte cette separation avec son
habituelle philosophie. Comme c'etait la saison des vacances et que
d'ailleurs George Sand se souciait peu de l'exhiber dans les milieux
litteraires, il n'entra en relations qu'avec Gustave Planche et Buloz qui,
par une politesse sans doute ironique, lui offrit de collaborer a la
_Revue des Deux Mondes_. Il fit plusieurs visites a Alfred de Musset, dont
l'accueil fut "des plus courtois, mais depourvu de toute expansion
cordiale; il etait, au reste--d'apres Pagello--d'un naturel peu expansif."
Il ne trouva de veritable intimite qu'aupres d'Alfred Tattet, bon vivant,
amant de Dejazet avec qui i
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