heure par heure, la vie l'abandonner, le froid de la tombe
descendre lentement dans la solitude, la mort et l'oubli tomber goutte a
goutte comme la neige; sais-tu ce que c'est pour un coeur serre jusqu'a
cesser de battre, de se dilater un moment, de se rouvrir, comme une pauvre
fleur mourante, et de boire une goutte de rosee vivifiante? O mon Dieu! je
le sentais bien, je le savais, il ne fallait pas nous revoir."
Vainement il avait tente de l'oublier, de prendre un autre amour: nulle
part, il n'a ni n'aurait trouve ce qui le charme en elle. Les faciles et
venales amours l'ont ecoeure, et il le crie en quelques mots d'une verite
saisissante: "Ces belles creatures, je les hais; elles me degoutent avec
leurs diamants, leur velours. Je les embrasse; apres je me rince la bouche
et je deviens furieux, je n'aime pas les Venus. O mon amour, ce que j'aime,
c'est ta petite robe noire, le noeud de ton soulier, ton col, tes yeux."
Et il se compare, en son agonie de passion, a l'un de ces taureaux blesses
dans le cirque qui ont la permission d'aller se coucher dans un coin avec
l'epee du matador dans l'epaule et de mourir en paix. Voila le droit qu'il
reclame. Il n'admet pas qu'on le lui conteste. "Le reste, dit-il, me
regarde. Il serait trop cruel de venir dire a un malheureux qui meurt
d'amour, qu'il a tort de mourir." Elle ne l'entend pas, quand il l'appelle
a cent cinquante lieues de distance, et pourtant il ne peut vivre sans
elle. Il voudrait s'etablir aux environs de Moulins ou de Chateauroux,
louer un grenier avec une table et un lit. Elle viendrait le voir une fois
ou deux, a cheval, et la, dans la solitude, il ecrirait la melancolique
histoire de leur amour. Puisqu'il n'en peut etre ainsi, du moins il a
concu un reve et il formule une priere: "O ma fiancee, je te demande
encore pourtant quelque chose. Sors un beau soir, au soleil couchant,
seule; va dans la campagne, assieds-toi sur l'herbe, sous quelque saule
vert; regarde l'occident, et pense a ton enfant qui va mourir. Tache
d'oublier le reste, relis mes lettres, si tu les as, ou mon petit livre.
Pense, laisse aller ton bon coeur, donne-moi une larme, et puis rentre
chez toi doucement, allume ta lampe, prends ta plume, donne une heure a
ton pauvre ami. Donne-moi tout ce qu'il y a pour moi dans ton coeur.
Efforce-toi plutot un peu; ce n'est pas un crime, mon enfant. Tu peux m'en
dire meme plus que tu n'en sentiras; je n'en saurai rien, ce ne peut etre
un crime; je suis pe
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