mais qu'elle n'aimait plus, et
Alfred de Musset qui brulait de la revoir et que peut-etre elle aimait
encore. Une entrevue eut lieu. Fut-elle sollicitee par _elle_ ou par
_lui_? On l'ignore. Ils se rapprocherent en vertu de cette propriete
mysterieuse et attractive qui appartient a l'aimant. Que pensa Pagello de
la reunion, amicale en apparence, mais vouee a devenir amoureuse, dont il
devait etre le temoin? Il l'avait autorisee avec longanimite, ou plutot il
s'y etait resigne. "La Sand, dit-il dans son journal intime, voulait
partir avec ses deux petits enfants pour La Chatre, et moi j'avais
manifeste la ferme volonte de ne pas la suivre. Elle voyait toute la
singularite de ma position, tous les sacrifices que j'avais faits a mon
amour: ma clientele perdue, mes parents quittes, et moi exile sans fortune,
sans appui, sans esperance." Ajoutez l'indifference croissante de George
Sand a son endroit, et la reprise ostensible, publique de l'ancienne
passion pour Alfred de Musset. Aussi bien cette renaissance de tendresse
ne devait-elle pas se produire sans de cruelles secousses. L'affection
essaya vainement de demeurer platonique. "Georgette, ecrit Musset, j'ai
trop compte sur moi en voulant te revoir, et j'ai recu le dernier coup."
Il s'eloignera, du moins il l'annonce; il ira aux Pyrenees, en Espagne.
"Si Dieu le permet, je reverrai ma mere, mais je ne reverrai jamais la
France... Je pars aujourd'hui pour toujours, je pars seul, sans un
compagnon, sans un chien. Je te demande une heure, et un dernier baiser.
Si tu crains un moment de tristesse, si ma demande importune Pierre,
n'hesite pas a me refuser." Et, recourant a ces grands effets de style
qu'il savait irresistibles aupres de George Sand, il poursuit sur le mode
pathetique: "Recois-moi sur ton coeur, ne parlons ni du passe, ni du
present, ni de l'avenir; que ce ne soit pas l'adieu de Monsieur un tel et
de Madame une telle. Que ce soient deux ames qui ont souffert, deux
intelligences souffrantes, deux aigles blesses qui se rencontrent dans le
ciel et qui echangent un cri de douleur avant de se separer pour
l'eternite! Que ce soit un embrassement, chaste comme l'amour celeste,
profond comme la douleur humaine! O ma fiancee! Pose-moi doucement la
couronne d'epines, et adieu! Ce sera le dernier souvenir que conservera ta
vieillesse d'un enfant qui n'y sera plus!"
Les lettres suivantes, du mois d'aout 1834, mais sans indication precise
de date, developpent les memes senti
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