de Musset, avec la fatuite naive
de la jeunesse, aime a parler des bonnes fortunes qui s'offrent a lui et
qu'il repousse. C'est peut-etre une maniere de rendre a George Sand la
monnaie de Pagello. Du moins il se targue d'une belle impertinence dans
les preludes obliges de la galanterie: "L'autre soir, une femme que
j'estime beaucoup sous le rapport de l'intelligence, dans un entretien de
bonne amitie que j'avais avec elle, commencait a se livrer. Je
m'approchais d'elle franchement et de bonne foi, lorsqu'elle a pose sa
main sur la mienne, en me disant: "Soyez sur que le jour ou vous etes ne,
il est ne une femme pour vous."--J'ai recule malgre moi.--"Cela est
possible, me suis-je dit, mais alors je vais chercher ailleurs, car
assurement ce n'est pas vous." Cette affectation de dandysme et de
byronisme, dedaigneux ou insolent, est l'element insupportable du
caractere d'Alfred de Musset. De meme, dans sa litterature et jusque dans
cette correspondance intime avec George Sand, on s'irrite parfois d'un
surcroit de rhetorique et de declamation qui altere la sincerite des
sentiments. Ainsi ce passage ou il evoque, sur un ton de melodrame,
l'image de son cadavre: "Prie pour moi, mon enfant. Quoi qu'il doive
m'arriver, plains-moi; je t'ai connue un an trop tot. J'ai cru longtemps a
mon bonheur, a une espece d'etoile qui me suivait. Il en est tombe une
etincelle de la foudre sur ma tete, de cet astre tremblant. Je suis lave
par ce feu celeste qui a failli me consumer. Si tu vas chez Danieli,
regarde dans ce lit ou j'ai souffert; il doit y avoir un cadavre, car
celui qui s'en est leve n'est pas celui qui s'y etait couche."
George Sand avait charge Boucoiran de voir son fils et d'envoyer a Venise
une somme que lui devait Buloz. Or elle ne recevait ni nouvelles de
Maurice ni argent. Elle prie Alfred de Musset d'aller au college Henri IV
et de stimuler la negligence et l'apathie de Boucoiran. La lettre ou elle
lui transmet cette requete est inquiete et agitee. On y sent l'affection
maternelle--la vraie--qui se reveille, et en meme temps elle confesse ses
embarras et ses tourments financiers. Pagello a mis toutes ses pauvres
_roba_ au Mont-de-Piete; elle doit deux cents francs a Rebizzo, fait des
economies sur son estomac et se nourrit de deux sardines. Va-t-elle etre
obligee de demander l'aumone, alors qu'elle travaille, qu'elle a gagne son
salaire et attend un argent qui lui est du? Sa colere se dechaine contre
Boucoiran. En realit
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