ntre des hommes dont j'approuve les idees et la conduite?
--Vous, Saint-Neree, vous approuvez ces paysans qui organisent la
jacquerie?
--Ce n'est pas la jacquerie que j'approuve, c'est la resistance au coup
d'Etat, c'est la defense du droit et de la liberte; je ne peux donc pas
sabrer ceux qui levent ce drapeau: derriere la premiere barricade qui a
ete elevee, j'ai failli prendre un fusil pour la defense, et c'est le
hasard bien plus que la volonte qui m'en a empeche.
Le colonel etait assis devant son bureau; il se leva, et arpentant le
salon a grands pas, les bras croises:
--Ceux qui nous ont mis dans cette situation sont bien coupables!
s'ecria-t-il.
--Si vous pensez ainsi, Colonel, comment me demandez-vous de prendre
parti pour eux?
--Eh! ce n'est pas du president seulement que je parle, c'est aussi de
l'Assemblee, c'est de tout le monde, de celui-ci et de ceux-la. Pourquoi
l'Assemblee, par ses petites intrigues, ses rivalites de parti et son
impuissance nous a-t-elle amenes a avoir besoin d'un sauveur? Les
sauveurs sont toujours prets, ils surgissent de n'importe ou, ils
agissent, et a un certain moment, par la faute d'adversaires aveugles,
ils s'imposent irresistiblement. Voila notre situation, le sauveur s'est
presente et comme par suite des circonstances, on ne pouvait prendre
parti contre lui qu'en se jetant dans la guerre civile, on n'a point ose
le faire.
--Ces paysans l'osent; ils ne raisonnent point avec subtilite, ils
agissent suivant les simples lois de la conscience.
--Vous croyez que c'est la conscience qui commande de prendre des otages
pour les fusiller, de piller les caisses publiques, de saccager, de
bruler les proprietes privees. Eh bien, ma conscience de soldat me
commande, a moi, d'empecher ce desordre; mon devoir est trace, et je ne
m'en ecarterai pas; sans prendre parti pour celui-ci ou celui-la, je
crois que je dois me servir du sabre que j'ai a la main pour maintenir
l'ordre public. Et c'est ce que je vous demande de faire.
--Ces paysans ont-ils fusille, pille et brule, et ne les accuse-t-on pas
de ces crimes, comme on a accuse les bourgeois de Paris d'avoir tire sur
l'armee?
--Je ne sais pas ce qui s'est passe a Paris et j'aime mieux ne pas le
savoir. Je ne sais qu'une chose; je suis requis de faire respecter la
tranquillite, et la liberte, la vie des citoyens, et j'obeis. Quant a
la politique, ce n'est pas mon affaire, et le pays peut tres-bien la
decider sans prendre
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