s gens." Abandonne par tout
le monde, il tombera sous le mepris general.
--C'est evident, dit le commercant, et si un seul de mes amis accepte
une place ou une position d'une pareille main, je me fache avec lui,
quand meme ce serait mon frere.
--S'il en etait autrement, ce serait a quitter la societe.
Ces paroles me furent un soulagement; c'etaient la deux honnetes gens,
avec lesquels on etait heureux de se trouver en communion de sentiments.
En arrivant chez moi, on me prevint que le colonel m'attendait; il
m'avait envoye chercher trois fois, et je devais me rendre pres de lui
aussitot mon retour, sans perdre une minute.
Je ne pris pas meme le temps de changer de costume, et, assez inquiet de
cette insistance, je courus chez le colonel.
XXXIII
--Enfin vous voila! s'ecria le colonel en me voyant entrer, c'est
heureux.
--Mais, colonel, mon conge n'expire qu'aujourd'hui, je ne suis pas en
retard.
--Je le sais bien: seulement vous m'aviez ecrit apres la mort de votre
pere que vous partiez aussitot, et je vous attends depuis jeudi.
En quelques mots je lui expliquait les raisons qui m'avaient retenu.
--Sans doute vous avez bien fait, et par ce que vous me dites, je vois
qu'il s'est passe a Paris des choses graves, mais ici aussi nous sommes
dans une situation grave, et j'ai besoin de vous.
--A Marseille?
--Non, dans le Var et dans les Basses-Alpes. A Marseille, Dieu merci, le
danger est passe, mais, dans le Var, les paysans se sont souleves, ils
ont forme des bandes nombreuses qui saccagent le pays. Les troupes
de Toulon et de Draguignan ne sont pas en force pour les dissiper
rapidement; on nous demande des renforts, et comme maintenant nous
pouvons, sans compromettre la securite de Marseille, detacher quelques
hommes, il faut que vous partiez pour le Var.
--Mais je suis mort de fatigue, mon colonel.
--Comment c'est vous, capitaine, qui parlez de fatigue au moment de
monter a cheval?
Il me regarda avec surprise et je baissai les yeux, mal a l'aise et
confus.
--Vous avez raison d'etre etonne de ma reponse, dis-je enfin, car elle
n'est pas sincere. Vous avez toujours ete plein d'indulgence et de bonte
pour moi, colonel, et j'ai pour vous une profonde estime; permettez-moi
de m'expliquer en toute franchise et de vous parler non comme a un
colonel, mais comme a un pere.
--Je vous ecoute, mon ami.
--Comment voulez-vous que j'accepte le commandement d'un detachement qui
doit agir co
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