oir un engagement avec les paysans et ils avaient ete repousses.
Il y avait des blesses qu'on portait sur des civieres et d'autres qui
suivaient difficilement.
Tout cela ne confirmait pas l'enthousiasme des depeches officielles et
ressemblait meme terriblement a une levee en masse.
Aussi a chaque pas en avant, je me repetais ma question avec une anxiete
toujours croissante: que se passe-t-il a Marseille? Comme toujours
en pareilles circonstances, les nouvelles que nous obtenions etaient
contradictoires; selon les uns, Marseille et la Provence etaient calmes;
selon les autres, au contraire, l'insurrection y etait maitresse des
campagnes et d'un grand nombre de villes.
Mais a mesure que nous avancames ces nouvelles se preciserent: Marseille
n'avait pas bouge, et le departement du Var seul s'etait insurge.
A Aix, deux voyageurs monterent dans la diligence et purent me raconter
ce que je desirais si vivement apprendre. Tous deux habitaient
Marseille: l'un etait un ancien magistrat destitue en 1848 et inscrit,
depuis cette epoque, au tableau de l'ordre des avocats; l'autre etait
un riche commercant en grains: un proces les avait appeles a Aix et
ils rentraient chez eux. Je les connaissais l'un et l'autres, et nos
relations avaient ete assez suivies pour qu'une entiere liberte de
parole regnat entre nous.
Mais je ne pus rien obtenir d'eux qu'apres leur avoir fait le recit
de ce qui se passait a Paris. Vingt fois ils m'interrompirent par des
exclamations de colere et d'indignation; l'ancien magistrat protestant
au nom du droit et de la justice, la commercant au nom de la liberte et
de l'humanite.
Ce fut seulement quand je fus arrive au bout de mon recit, qu'ils
m'apprirent comment Marseille avait accueilli le coup d'Etat. Le premier
jour, la population ouvriere s'etait formee en rassemblements menacants
et l'on avait pu croire a une revolution formidable. Mais cette
agitation s'etait bien vite apaisee, et les troupes n'avaient point eu
besoin d'intervenir: elles avaient occupe seulement quelques points
strategiques.
--Ce n'est pas par l'insurrection armee qu'il faut repondre a un pareil
attentat, dit l'ancien magistrat: c'est par des moyens legaux. Nous
avons aux mains une arme plus puissante que les canons et qui renversera
surement Louis-Napoleon: c'est le vote. La France entiere se prononcant
contre lui, il faudra bien qu'il succombe. Il n'y a qu'a faire autour de
lui ce que j'appellerai "la greve des honnete
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