intes, il me representa cette insurrection comme formidable.
La province n'acceptait donc pas le coup d'Etat avec l'enthousiasme
unanime que constataient les journaux. Que se passait-il a Marseille?
A Macon, j'entendis dire aussi que la resistance s'organisait dans le
departement, et que des insurrections avaient eclate a Cluny et dans les
communes rurales.
A Lyon, je trouvai la ville parfaitement calme; mais a mesure que je
descendis vers le Midi, les bruits d'insurrection devinrent plus forts.
On arretait notre diligence pour nous demander des nouvelles de Paris,
et a nos renseignements on repondait par d'autres renseignements sur
l'etat du pays.
Les environs de Valence etaient dans une extreme agitation, et nous
depassames sur la route un detachement compose d'infanterie et
d'artillerie qui, nous dit-on, se rendait a Privas, menace par des
bandes nombreuses qui occupaient une grande partie du departement.
A un certain moment ou nous longions le Rhone, nous entendimes une
fusillade assez vive sur la rive opposee, a laquelle succeda la
_Marseillaise_, chantee par trois ou quatre cents voix.
Dans certain village, c'etait l'insurrection qui etait devenue
l'autorite, on montait la garde comme dans une place de guerre, et l'on
fondait des balles devant les corps de garde.
A Loriol, on nous dit que les troupes avaient ete battues a Crest; dans
le lointain, nous entendimes sonner le tocsin, qui se repondait de
clochers en clochers.
Nous etions en pleine insurrection, et en arrivant dans un gros village,
nous tombames au milieu d'une bande de plus de deux mille paysans qui
campaient dans les rues et sur la place principale. Dans cette foule
bigarree, il y avait des redingotes et des blouses, des sabots et des
souliers; l'armement etait aussi des plus varies: des fusils de chasse,
des faux, des fourches, des gaules terminees par des baionnettes.
C'etait l'heure du diner; des tables etaient dressees, et je dois dire
qu'elles ne ressemblaient pas a celles qui m'avaient si douloureusement
emu le 4 decembre sur les boulevards de Paris: parmi ces soldats de
l'insurrection, on ne voyait pas un seul homme qui fut ivre ou anime par
la boisson.
On entoura la diligence; on nous regarda, mais on ne nous demanda rien,
si ce n'est des nouvelles de Valence et de l'artillerie.
A Montelimar, notre colonne rejoignit une forte colonne d'infanterie
qui rentrait en ville. Les soldats marchaient en desordre: ils venaient
d'av
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