insi les maisons criblees de balles,
les glaces, les fenetres brisees etaient "des degats naturels et
necessaires."
Quand on a dans ses mains le telegraphe et qu'on n'est point gene par
les scrupules, on est bien fort pour mentir.
L'enthousiasme des Marseillais pouvait etre tout aussi vrai que les
coups de fusil tires sur les lanciers.
Je retombai dans mon inquietude, me demandant ce que je ferais en
arrivant a Marseille.
Me separer de mes camarades, s'ils ont adhere au coup d'Etat, c'est
briser ma carriere et perdre mon avenir. J'aime la vie militaire. Depuis
dix ans des liens puissants m'ont attache a mon regiment, qui est devenu
une famille pour moi, et une famille d'autant plus chere que je n'en ai
plus d'autre. C'est la que sont mes affections, mes souvenirs et mes
esperances. Que ferai-je si je ne suis plus soldat? Quel metier puis-je
prendre pour gagner ma vie? car je serai oblige de travailler pour
vivre. Mon education a ete dirigee uniquement vers l'etat militaire, et
je n'ai etudie, je ne sais que les sciences et les choses qui touchent a
l'art de la guerre. A quoi est bon dans la vie civile un soldat qui n'a
plus son sabre en main?
Mais chose plus grave encore, ou tout au moins plus douloureuse pour
le moment, que dira Clotilde d'une pareille determination? Comment me
recevra le general Martory, si je me presente devant lui en paletot et
non plus en veste d'uniforme?
Bien que des paroles precises n'aient point ete echangees entre nous a
ce sujet, il est certain que si Clotilde devient ma femme un jour, c'est
l'officier qu'elle acceptera, le colonel et le general futur, et non
le comte de Saint-Neree, qui n'a d'autre patrimoine que son blason.
Clotilde est un esprit pratique et positif qui ne se laissera pas
prendre a des chimeres ou a des esperances. D'ailleurs, quelles
esperances aurais-je a lui presenter? Comtesse, la belle affaire par le
temps qui court, la belle dot et la riche position!
Lorsque de pareilles pensees s'agitent dans l'esprit, le temps passe
vite. J'arrivai a Tonnerre sans m'etre pour ainsi dire apercu du voyage.
Mais la, un compagnon de route m'arracha a mes reflexions pour me
rejeter dans la realite. Il arrivait de Clamecy, et il me raconta que
cette ville etait en pleine insurrection, que les paysans s'etaient
leves dans la Nievre et dans l'Yonne, et que la guerre civile avait
commence.
Ce compagnon de route appartenait a l'espece des trembleurs, et, emporte
par ses cra
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