_Hypotyposes_ d'un Sextus Empiricus chretien.
L'ouvrage peut bien suggerer le doute, il n'a pas ete fait pour
l'etablir: mais le titre seul devait a bon droit alarmer les vigilants
defenseurs de l'integrite de la foi catholique. Si jamais Abelard
a publie cet ecrit, il n'a pu le faire sans danger pour l'unite de
croyance, sans danger pour lui-meme. Il suffisait, au reste, qu'on sut
que l'ouvrage existait, c'etait assez pour compromettre l'auteur. Plus
inconnu, le livre en etait plus suspect; les denonciateurs d'Abelard au
concile n'en parlent qu'avec effroi, et jusqu'a l'epoque ou le texte
meme est enfin sorti des tenebres, la posterite meme a du supposer qu'il
contenait le mystere de l'incredulite cachee d'un philosophe hypocrite.
Il n'en est rien. M. Cousin a enfin retrouve ce livre celebre et ignore,
et nous lui en devons la publication[169].
[Note 169: _Ouvr. ined. Petri Abaelardi Sic et Non_, p. 3-163. Le titre
de cet ouvrage, mentionne dans la lettre de Guillaume de Saint-Thierry,
etait tout ce qu'on en connaissait. Les benedictins, editeurs du
_Thesaurus anecdotorum_ et du _Spicilegium_, disaient seulement qu'ils
avaient cet ecrit a leur disposition, et que c'etait un tissu de
contradictions. M. Cousin l'a publie en 1836 sur deux manuscrits, l'un
de la bibliotheque d'Avranches, l'autre de celle de Tours. (Introd., p.
CLXXXVI.)]
Pour en apprecier la pensee, c'est assez d'en lire le prologue. L'auteur
y remarque que, dans cette foule de phrases qui remplissent les ecrits
des saints, quelques propositions different et meme se combattent.
Cependant, ajoute-t-il aussitot, il ne faut pas juger temerairement ceux
qui doivent juger le monde. Au lieu de les soupconner d'erreur, nous
devons nous defier de notre infirmite d'esprit. "La grace doit plutot
nous manquer pour les comprendre qu'elle ne leur a manque pour ecrire."
Leur langage est parfois inusite, le sens des mots varie, chacun parle
sa langue, et comme l'uniformite est, au dire de Ciceron, mere de la
satiete, on ne doit pas presenter toutes choses dans la nudite de
l'expression vulgaire.
Mais d'un autre cote, il faut se rappeler qu'on attribue aux saints
beaucoup d'apocryphes, et que meme dans les ecrits authentiques, et
jusque dans les divins testaments, des passages ont ete alteres par les
copistes; c'est ainsi que l'Evangile de saint Mathieu cite Isaie pour
Asaph, et Jeremie pour Zacharie[170]. C'est ainsi que Marc dit que le
Seigneur fut crucifie a l
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