theologies, l'une biblique dont
Hildebert, eveque du Mans, etait, dit-on, la lumiere, et a laquelle on
peut rattacher Guillaume de Saint-Thierry, Gautier de Mortagne, Hugues
et Richard de Saint-Victor, et que dut aimer et proteger saint Bernard;
l'autre que Guillaume de Champeaux avait contribue a former, sans
prevoir que, bientot depasse, il serait lui-meme effraye des
consequences de son oeuvre, et verrait le sein de la science dechire par
ses enfants. Les theologiens de cette nuance sont designes aussi par
le nom de _theoretici_, parce qu'ils se consacraient aux recherches
speculatives et aux controverses dogmatiques, tandis que les premiers,
qu'on a nommes _practici_, s'adonnaient surtout a la propagation de
la foi et a la predication. La theologie des uns fut la theologie
scolastique par excellence, et celle des autres, la theologie mystique.
C'est la premiere qui fait le plus de bruit dans l'histoire, c'est
celle-la dont on a donne Pierre Lombard pour le createur, parce que nul
avant lui ne l'avait enseignee avec la meme autorite. Le premier il la
professa publiquement, c'est-a-dire avec un caractere officiel dans
l'Academie de Paris. Abelard, qui avant lui l'avait inauguree au meme
lieu, vit toujours contester son titre de professeur. Son enseignement,
surtout son enseignement theologique, de fait si accredite, en realite
si puissant, parait n'avoir jamais ete qu'un enseignement prive[165].
Dans l'ordre de l'intelligence, il fut bien le fondateur de l'ecole, il
n'en fut pas l'organisateur. Il donna l'esprit aux institutions qui ne
furent pas son ouvrage. Les liberateurs ne gouvernent pas.
[Note 165: Duboulai, _Hist. Univ. par._, t. II, p. 4l et seq.--Heumann,
_Tribbech., proef_., p, XIV-XVII.]
Cette methode sententiaire, a laquelle l'eveque Pierre Lombard vint
preter posterieurement l'influence de sa dignite, je n'hesite point a en
regarder Abelard comme le createur veritable; ce fut lui qui donna a la
philosophie sacree sa puissante impulsion, et tout ce qui en France et
surtout dans les academies de Paris propagea ou suivit de pres ou de
loin le mouvement scientifique et rationnel de la theologie, a selon
moi procede de l'enseignement d'Abelard. En lui se retrouvent tous les
caracteres de l'esprit philosophique de Paris, soit lorsqu'il s'elance,
soit lorsqu'il s'arrete, dans sa reserve comme dans sa temerite. Car ce
maitre fut tout ensemble modere et hardi, il eut toutes les tendances et
voulut servir toutes
|